L'automobile : une tyrannie?
STÉPHANIE RAYMOND
L'automobile devait améliorer notre qualité de vie. Nous
faciliter la vie. Et si elle était plutôt en train de détruire notre
environnement, et nos vies par le fait même? C'est ce qu'a soutenu Richard
Bergeron, responsable des analyses stratégiques à l'Agence métropolitaine du
transport, lors d'une conférence au Carrefour de l'information le 4
novembre, à l'invitation de l'Observatoire de l'environnement et du
développement durable.
Le recteur Bruno-Marie Béchard a d'abord rappelé l'effort mis
par l'Université dans le développement durable, entre autres grâce à la
création de l'Observatoire en 2003 et au libre accès des étudiantes et
étudiants au transport en commun.
La tyrannie automobile
Richard Bergeron a dénoncé avec véhémence les lois du
capitalisme, qui prône la consommation excessive dans une logique de
production-
destruction-production continuelle.
Ironiquement, depuis l'adoption du protocole de Kyoto en 1997,
le nombre d'automobiles a augmenté de façon dramatique. Leur puissance
également, et donc leur consommation d'essence. On prévoit qu'il y aura
jusqu'à 2,5 milliards de voitures sur la planète en 2030. «Mais il se sera
passé quelque chose avant, qui pourrait ressembler à la situation de l'île
de Pâques vers 1400», affirme Richard Bergeron. C'est-à-dire un recul de la
civilisation et un décroissement de la population en raison de la
destruction de l'environnement.
Deux voitures par couple, ou même par personne. Une auto dès le
cégep. «C'est la tyrannie de la consommation, déplore le spécialiste.
L'industrie automobile en met toujours plus pour nous inciter à consommer.
Notre projet de société : que tout le monde ait une auto.»
Les hommes ont atteint un plafond (93 % possèdent une voiture
en Amérique du Nord); on les convainc donc d'acheter des voitures plus
puissantes. Les femmes, elles, devraient rattraper les hommes en 2016. Quant
aux jeunes, on les incite à mettre plus d'argent dans la voiture qu'ils
achètent.
Résultat : toujours plus de pollution, de délinquance au volant
et de morts. Des villes inhumaines, faites d'édifices, de stationnements et
de routes. Des gens qui mettent 0,59 $ dans leur voiture pour chaque dollar
dépensé en consommation au détail, dont 0,27 $ va à l'étranger.
Des solutions réalistes
Plutôt que de se faire complice de la logique commerciale, le
gouvernement devrait inciter les Québécois à opter pour des autos moins
énergivores, soutient Richard Bergeron. Comment? En implantant des mesures
financières (taxes sur l'essence, le stationnement…) qui désavantagent les
gros consommateurs. «On pourrait ainsi récolter deux milliards de dollars
par an, argent qui alimenterait un fonds de Kyoto.»
Puis, réaménager les villes devenues «barbares», pour les
recentrer sur l'être humain, le tout dans une perspective de développement
durable. Ceci en implantant par exemple un système de tramway comme l'ont
fait certaines villes européennes, ce qui diminue la circulation automobile,
permet l'implantation de zones piétonnes et élimine les grands
stationnements au centre-ville. «Pourquoi ne ferait-on pas la même chose
ici? se demande le spécialiste. Il suffit de le vouloir.»
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