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Liaison, 28 octobre 2004

Nouveauté livre
Critique invité : JEAN-MARC CHAPUT
Responsable de section
Patrick Senécal, Oniria
Peut-être l'aurez-vous remarqué à la fin de cette critique : j'aime les
choses différentes (Ah zut! Ça y est, je l'ai déjà dit.). Dans cette
optique, Oniria, c'est dans le très particulier. Remarquez, je ne
suis pas un fana de science-fiction – ce roman en est-il, d'ailleurs? –
mais je peux vous affirmer qu'Oniria, le nom d'une villa aux
dessous assez singuliers, nous confine au sous-sol du mystère et du rêve!
Toutefois, ne vous laissez surtout pas prendre par l'entrée en matière
du roman (ni par la mienne d'ailleurs) : après les dix premières pages, je
ressentais une soudaine envie d'enfourcher mon vélo, d'écouter Ginette
Reno, de retourner au boulot, de faire un gâteau; n'importe quoi je vous
jure! La suite : un vrai plaisir! Les pages 11 à 30 m'ont, quant à elles,
donné l'envie de filer jusqu'à la dernière, la 300e.
Mais suffit le baratin, je vous mets un peu dans le contexte avant que
vous ne fassiez comme moi à la 10e page
de ce roman. Oniria : un livre, un imprimeur, des négos avec la
maison d'édition, du carton, du papier, des arbres, un dos, un verso, mais
surtout, une nuit, quatre évadés de prison qui, un peu (mais si peu)
malgré eux, échouent à la demeure de la psychiatre du centre pénitencier
sur le chemin de leur liberté. Pour parvenir à cette dernière, s'ils y
parviennent (houuu... suspense), ils devront affronter des phénomènes tout
aussi étranges que phénoménaux (d'où, science-fiction)…
Les évadés : le leader du groupe, Dave, accusé du meurtre de sa
conjointe, mais innocent bien sûr (ce qui en fait un sympathique gaillard
que l'on aimerait presque côtoyer dans sa cuisine le vendredi soir en
sirotant un porto); Jef, les gros bras, et la petite tête parfois assortie
avec; Éric, un orienté sexuel gai inavoué (qui servira de souffre-douleur
à Monsieur Muscles, vous le sentiez) qui faisait jadis (avant la
barreautique) dans la robotique, mais en bavera quand même un coup; et
Loner, un ex-professeur (ho! ho!) de cégep (ah…), cerveau du groupe,
curieux, passionné, posé, mais un peu dingue à temps partiel.
En complément, Viviane, cette mystérieuse psychiatre qui passe beaucoup
de son temps avec Dave à la prison. Cette flegmatique psy qui, malgré sa
froideur, semble bien compréhensive envers Dave et lui laisse parfois même
l'impression d'une vague complicité entre eux (houuu... suspense 2). Dave,
avant son évasion, finira par apprendre, à grand coup de questions, que
Viviane est célibataire et vit seule dans cette ville entourant la prison.
Du moins, c'est ce qu'elle dit1
(houuu... suspense 3).
Malgré ses personnages principaux (ou l'auteur, j'hésite…) qui portent
fréquemment ce roman à un langage et à un vocabulaire un peu crus et à
l'utilisation abondante de termes bibliques, Oniria nous entraîne
rapidement dans une atmosphère envoûtante et mystérieuse. Une écriture et
un style syntaxique sobre toutefois, presque trop explicite à l'occasion.
Un vocabulaire circonscrit, mais qui donne néanmoins une lecture
captivante à satiété (j'insiste), nécessite moins de recours au
dictionnaire – ce qui n'est pas à dédaigner quand il n'est pas à portée de
main – et stimule la fluidité (de l'esprit j'imagine).
En guise de supplétif2,
je vous laisse ici quelques extraits, pas nécessairement représentatifs,
mais que voulez-vous, le hasard : «Ne regardez pas son visage», «J'ai tué
Ben Laden!», «C'était quoi ça? ne cesse de répéter Jef3 sans ralentir le pas. Ostie! C'était quoi, ça?» et «... 'a
vie est te'ment be'e!».
Patrick Senécal a publié, depuis 1994, 5150, rue des Ormes,
Sur le seuil, Aliss et Les sept jours du talion, si ça
peut vous aider à quelque chose (mais ne me demandez pas quoi, svp).
Oniria était ma première lecture de cet auteur 100 % drummondvillois.
Il y en aura certainement d'autres à venir (ou à Venise, je me le souhaite
car ce serait d'autant plus plaisant, je présume).
Bonne lecture (si ça vous l'dit, bien sûr)!
- Ici vous aurez compris que «c'est ce qu'elle dit»
réfère au fait qu'elle vit seule et non pas au fait que la ville entoure
la prison, ce qui serait un peu banal comme suspense, je me le concède.
- Je cherche à élargir mon vocabulaire, désolé.
- Jef les gros bras, voyez son mode d'expression plutôt
limité, mais remarquez aussi mon stratagème pour vous effrayer : un gros
bras qui dit «Ostie! C'était quoi ça?», ça laisse présager un danger peu
commun, surtout si on est seul autour d'un feu de camp éteint à 2 h du
matin – ce qui n'est pas le cas ici, remarquez.
En collaboration avec

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