Liaison, 28 octobre 2004
Des systèmes d'énergie qui se font mini
STÉPHANIE RAYMOND
Des turbines de la grosseur d'une pièce de dix cents. Des piles à
combustibles d'un centimètre carré. Luc Fréchette, titulaire de la nouvelle
Chaire de recherche du Canada en microsystèmes énergétiques, travaille à
produire des centrales énergétiques minuscules qui pourraient révolutionner
notre quotidien.
Les MEMS, ou microsystèmes électromécaniques, existent déjà depuis plus
de 15 années. La nouveauté du travail de Luc Fréchette, arrivé à
l'Université en juillet, est l'objet de ses recherches, soit les systèmes de
production d'énergie. «Le domaine des MEMS monte en flèche à l'heure
actuelle, du côté de la recherche comme du côté commercial. J'espère pour ma
part développer mes produits d'ici une dizaine d'années», affirme Luc
Fréchette.
Plus grande autonomie des appareils portables
Luc Fréchette travaille principalement à développer des mini- turbines à
vapeur. «Cette technologie ancienne redevient intéressante à petite échelle.
Nous construisons une puce d'un centimètre carré. La puce est un circuit
fermé contenant du liquide, qui est pressurisé et évaporé grâce à une
chambre à combustion collée sur le dessus de la pile. La vapeur entraîne une
mini-turbine, puis est recondensée, et le cycle recommence.»
Ce système pourrait notamment permettre une plus grande autonomie des
appareils portables. «Par exemple, en mettant trois puces de 10 watts
chacune dans un ordinateur portable, on pourrait avoir une autonomie de 30 à
40 heures. Et il n'y aurait qu'à changer le réservoir à gaz, qui pourrait
prendre la place occupée auparavant par la pile, pour redémarrer
l'ordinateur. Même chose pour les cellulaires.» Un hic cependant : ces piles
produisent de la chaleur, puisqu'il y a combustion. «Il reste encore
plusieurs détails à régler, indique le chercheur. Mais des applications qui
permettent le dégagement de chaleur sont envisageables à court terme. Par
exemple, des chargeurs portatifs ou des sources de puissance externes aux
appareils électroniques, tels que des caméscopes ou autre matériel
audiovisuel qui consomment beaucoup d'énergie. De plus, l'armée pourrait
être très intéressée par l'amélioration des micropiles à combustible, car
les militaires se promènent souvent avec 10 kg de batteries sur le dos.»
Des microturbines à vapeur pourraient aussi être implantées dans les
systèmes d'échappement des voitures. «Elles récupéreraient l'énergie des gaz
d'échappement, et la transformeraient en électricité qui ferait fonctionner
des composantes électriques de la voiture.»
Luc Fréchette travaille également à la réalisation de matériaux poreux
pour refroidir les microprocesseurs, ainsi qu'au développement de capteurs
aérospatiaux de pression et de friction, qui seraient posés sur les ailes
d'avion.
Ces microsystèmes sont réalisés en grande partie grâce à un procédé de
gravure profonde du silicium qui les compose. Les formes géométriques
gravées permettent aux fluides de s'écouler. Le défi est de réaliser tout
cela à l'échelle du micron (mille fois plus petit qu'un millimètre).
Attiré par l'ouverture d'esprit de l'UdeS
Après un baccalauréat en génie mécanique à l'École polytechnique de
Montréal, Luc Fréchette a poursuivi ses études au Massachusetts Institute of
Technology, avec une maîtrise sur les turbines à gaz et un doctorat visant à
miniaturiser ces turbines. Le professeur a ensuite été embauché par
l'Université Columbia de New York en 2000, pour entreprendre des recherches
sur les micromachines à haute vitesse.
«Ma famille et moi n'avions pas la qualité de vie désirée à New York.
J'ai donc posé ma candidature dans plusieurs universités québécoises. J'ai
reçu quelques offres, et j'ai finalement arrêté mon choix sur Sherbrooke.
L'Université m'a accroché dès les premières rencontres avec les gens du
Département de génie mécanique. J'ai vu que les professeurs étaient
dynamiques, qu'ils avaient de l'intérêt pour mes recherches et qu'ils
étaient prêts à mettre sur pied un programme de micro et nanotechnologie.
Nous nous sommes depuis réunis avec les professeurs de génie électrique pour
mettre en commun certains cours qui se chevauchaient et créer un curriculum
intégré en micro et nanotechnologies. Peu de facultés auraient osé faire
cela. Je suis excité d'enseigner dans ce cadre-là.»
De plus, Luc Fréchette bénéficie de meilleurs équipements qu'à Columbia,
puisque le Groupe de recherche en microélectronique dispose de 15 millions
de dollars d'équipements de pointe pour la micro et nanofabrication,
incluant un système de gravure profonde de classe mondiale.
Le professeur a reçu une subvention de 375 000 $ pour cinq ans de la
Fondation canadienne pour l'innovation. Cinq étudiants à la maîtrise et au
doctorat poursuivent des recherches sous sa tutelle.
Des turbines de la grosseur d'une pièce de 10 cents
pourraient bientôt révolutionner notre quotidien.
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