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Liaison, 28 octobre 2004
La question du déséquilibre fiscal
Comment renverser la vapeur?
Le phénomène du déséquilibre fiscal existe, et il n’est pas
nouveau. Il a marqué l’histoire de la fédération canadienne depuis sa
fondation. Tantôt à la faveur des provinces, tantôt au profit du
gouvernement fédéral. C’est ce que prétend Luc Godbout dans un rapport qu’il
a rédigé récemment pour le compte de l’Association de planification fiscale
et financière, réunie en congrès à Montréal au début du mois d’octobre. Le
professeur et chercheur à la Chaire en fiscalité et en finances publiques a
même été convié par les organisateurs du congrès à débattre de son point de
vue avec l’éditorialiste André Pratte, de La Presse. Un débat contradictoire
qui n’en fut pas vraiment un, les deux hommes étant d’accord sur à peu près
tous les points.
CHARLES VINCENT
«Depuis que le fédéral s’est lancé dans sa lutte au déficit, il
y a environ 15 ans, les moyens pour y parvenir ont causé un déséquilibre
fiscal dont profite Ottawa, indique Luc Godbout. Avec comme conséquence
qu’aujourd’hui, les provinces manquent d’argent.» Une situation qui
s’explique en grande partie, selon le chercheur, par l’«incompressibilité»
des dépenses provinciales, principalement dans le domaine de la santé, et
par l’inadéquation des transferts fédéraux. Et à ce sujet, le Québec est la
province qui a été la plus touchée. Si depuis 10 ans les transferts fédéraux
ont augmenté de 34,4 % en moyenne dans les autres provinces, le Québec a vu
les siens croître de seulement 2,7 %.
Selon Luc Godbout, cette baisse est due principalement à deux
facteurs. D’abord, au cours de la dernière décennie, le Québec s’est
rapproché de la moyenne nationale en ce qui a trait à la richesse. Il a donc
obtenu moins d’argent au titre de la péréquation. Il a reçu cette année
3,76 milliards de dollars, soit 5,1 % de moins qu’en 1994. Parallèlement, le
Québec s’est trouvé désavantagé par la réorganisation, il y a 10 ans, des
transferts canadiens pour la santé et les services sociaux. La décision du
fédéral d’accorder les subsides aux provinces en fonction de leur population
respective, sans égard à leurs besoins, a profité aux provinces riches et
populeuses, comme l’Ontario et l’Alberta, et a nui au Québec, qui compte
moins d’habitants, mais dont les besoins de la population sont plus grands.
Des pistes de solution
Dans son rapport de 96 pages, Luc Godbout ne se contente pas
d’étudier le phénomène du déséquilibre fiscal, il présente également des
pistes de solutions. La plus importante est sans contredit le transfert de
la perception de la TPS dans les provinces. «Ce n’est plus un secret pour
personne, la population vieillissant, les besoins en santé vont croître de
manière importante dans l’avenir, explique-t-il. Plutôt que subir les
demandes répétées des provinces qui, elles, auront sans cesse besoin de plus
d’argent pour faire fonctionner le système, le gouvernement fédéral pourrait
abolir ses transferts aux provinces et en échange leur remettre la TPS, en
leur disant, dorénavant, vous êtes les seuls responsables du financement de
la santé.»
Sans aller aussi loin, Ottawa pourrait tout simplement modifier
les mécanismes de transferts pour la santé et les services sociaux. «Il faut
minimalement revoir son mode d’allocation pour qu’il prévoie une indexation
de la contribution fédérale et qu’il s’effectue en fonction des besoins des
provinces plutôt que sur une base per capita», peut-on lire dans le
rapport. Du même souffle, ces changements faciliteraient la tâche des
provinces qui, à l’heure actuelle, ont de la difficulté à anticiper
l’évolution des transferts fédéraux. «Une planification à long terme
aiderait grandement les provinces», explique le professeur.
Est-ce que ces solutions ont de bonnes chances de trouver écho
à Ottawa? «Peut-être pas la question du transfert de la TPS, mais souhaitons
minimalement une révision des mécanismes d’indexation et de répartition»,
répond Luc Godbout, pour qui le récent front commun des provinces en santé
annonce des changements dans le rapport de force fédéral provincial. Assez
pour renverser la vapeur? C’est ce que nous verrons…

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Luc Godbout est chercheur à la Chaire en fiscalité et en finances
publiques. Récemment, il a rédigé un rapport dans lequel il démontre
l’existence du déséquilibre fiscal et propose des pistes de
solutions pour les provinces. Le chercheur fiscaliste n’en est pas à
ses premières armes dans le domaine. Il a notamment participé à la
Commission Séguin sur le déséquilibre fiscal en 2001-2002.
Photos SSF : Roger Lafontaine |