Liaison, 14 octobre 2004
Une première recherche québécoise
sur l'éducation à domicile
STÉPHANIE RAYMOND
Le fait que des parents décident d'enseigner à leurs enfants à la maison
plutôt que de les envoyer à l'école soulève bien des questions. De plus, un
flou réglementaire entoure l'application de la loi concernant l'éducation à
domicile. Christine Brabant a donc décidé de conduire la première étude
québécoise sur le sujet, dans le cadre d'une maîtrise à la Faculté
d'éducation.
Les offres de bourses se sont mises à pleuvoir, en même temps que les
sollicitations des médias. «J'ai reçu une bourse institutionnelle de
l'Université, puis des bourses d'excellence du FQRSC et du CRSH. Et j'ai dû
refuser une bourse de Desjardins», indique l'étudiante, mère de deux enfants
et ex-professeure de danse et de musique au primaire et au secondaire.
Radio-Canada, le Devoir et le Reader's Digest lui ont tous demandé des
entrevues. «Notre société semble prête à se questionner sur la place que
prend l'école. Les parents sont plus éduqués, leur sens critique a été
développé, et maintenant ils sont en mesure de questionner le système
d'éducation.»
L'intérêt de Christine concernant l'éducation à domicile remonte à loin.
«Lorsque j'enseignais, je me posais beaucoup de questions sur mon rôle
d'éducatrice et sur l'éducation en général, explique-t-elle. Puis, le
phénomène de l'éducation à domicile a piqué ma curiosité.» La jeune femme a
donc commencé à fouiller sur Internet. «J'ai alors trouvé ce que je
cherchais : des parents qui valorisent l'éducation tout en questionnant ses
fondements.»
Une première étude au Québec
La jeune maman a alors décidé de faire de l'éducation à domicile un sujet
de maîtrise, sous la direction de Sylvain Bourdon et de France Jutras,
respectivement vice-doyen et professeure à la Faculté d'éducation.
«On évalue entre 2500 et 5000 le nombre d'enfants éduqués à domicile au
Québec. J'ai constaté que les motivations des familles québécoises étaient
différentes de celles des Américains et des Canadiens anglais. Ici, les
parents n'agissent pas tant par conviction religieuse ou anti-étatisme. Le
plus souvent, ils ont un projet éducatif familial propre et sont
insatisfaits du système scolaire actuel.»
Le document synthèse sur Les motifs du choix de l'école à la maison au
Québec est disponible à l'adresse
www.reformelll.qc.ca/EcoleMaison_MotifsSynt.pdf.
Résultats très positifs
Les résultats des recherches sur l'éducation à domicile sont très
positifs, au Québec comme ailleurs. «J'ai participé en septembre à un
colloque international sur l'éducation à domicile en Angleterre. Les
résultats sont positifs partout. Les enfants qui apprennent à la maison
réussissent mieux, et leur développement social et émotif ainsi que leur
insertion sociale sont égaux ou supérieurs aux moyennes des enfants
scolarisés», affirme Christine Brabant, dont la fille de huit ans ne
fréquente plus l'école qu'à temps partiel.
Pour l'instant, les procédures avec les commissions scolaires varient
énormément. «Certaines encouragent cette pratique alors que d'autres la
qualifient d'illégale, ce qui est faux. Il y a beaucoup d'ignorance, et
aussi de préjugés.» Aussi le ministère de l'Éducation nourrit-il depuis deux
ans le projet d'encadrer plus étroitement cette pratique. «Je recommande au
gouvernement de s'informer sur ce qui se fait ailleurs et de consulter les
parents, et surtout de ne pas écraser cette pratique», affirme l'étudiante.
Un doctorat en vue
Christine Brabant débutera sous peu un doctorat sous la direction de
France Jutras; George-A. Legault, professeur d'éthique appliquée à
l'Université, et Mitchell L. Stevens, spécialiste de l'éducation à domicile
à l'Université de New York, seront les codirecteurs. «Je vais traiter des
enjeux éthiques que pose la pratique de l'éducation à domicile. Mais le
sujet plus pointu reste à déterminer.»
L'étudiante a reçu pour cela une bourse d'excellence de 105 000 $ pour
trois ans du CRSH ainsi qu'une bourse du FQRSC, qu'elle a dû refuser.
Récemment, l'Association francophone pour le savoir lui accordait son Prix
d'excellence pour étudiants-chercheurs accompagné d'une bourse de 5000 $
pour son travail de maîtrise.
En plus d'être mère, enseignante et étudiante, Christine Brabant est
également entraîneur-chef des meneuses de claques de l'équipe de football du
Vert et Or, chef de la section alto du Chœur symphonique de Sherbrooke et
bénévole à l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke. «Tout est
une question d'équilibre», termine-t-elle.

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