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Liaison, 30 septembre 2004
Nouveauté livre
Critique invitée : LOUISE TREMBLAY
Agente d’administration
Un matin tu te réveilles... t’es vieux!, Michel Fréchette,
Éditions Vents d’Ouest
Philippe Dumouchel est un éternel amoureux. Chaque nouvelle rencontre le
fait renaître mais le conduit toujours au même constat : «Le grand amour,
plus c’est grand, plus c’est court.» Il multiplie les aventures, côtoie
nombre de femmes, les surprenantes comme les déroutantes. Jusqu’au jour où
il se retrouve dans un centre d’accueil…
Dumouchel a le désir tenace. Il a 80 ans quand il rencontre Julie
Quesnel, une magnifique femme de 2 ans son aînée qu’il nomme affectueusement
sa dernière chance amoureuse. Ensemble, ils préparent une grande fugue,
entraînant dans cette folle aventure deux de leurs amis. L’adrénaline coule
à nouveau dans leur sang… On n’est jamais trop vieux pour se réinventer!
Un matin tu te réveilles… t’es vieux! jette un regard à la fois tendre,
drôle et ironique sur le temps qui passe et sur l’amour qui ne meurt pas.
Réflexions et éclats de rire garantis
Le sommaire dépeint le personnage principal, Philippe Dumouchel, comme un
éternel amoureux, mais je conteste cette définition. En début de lecture, je
l’ai plutôt perçu comme l’Amoureux éphémère de Stephie Shock (Un homme à la
mer), un sympathique mais incorruptible dragueur, avide de nouvelles
conquêtes : «Elle me trouve brillant, moi je la trouve nouvelle.» Sa
devise : «Éjaculer et oublier.» À son avantage cependant, sa capacité
d’introspection identifiant et condamnant cet aspect répréhensible de sa
personnalité tout en le déniant : «Elle ne voit pas le crapaud, seulement le
prince.» «Plein de défauts mais bien ainsi.»
Michel Fréchette a créé un personnage dont la lucidité, l’humour,
l’autodérision font qu’au fil des pages, il devient de plus en plus
attachant. Sa conscience, ou plutôt son «sermonneur, abominable oiseau
intérieur d’un chiant innommable», lui renvoie jour et nuit chaque mensonge,
contradiction, exagération, velléité. Notre héros tente par tous les moyens
de le réduire au silence, mais… impossible de le faire taire… «Je suis mon
propre sermonneur; ce n’est pas ma conscience, c’est pire…» La dualité du
personnage est intéressante, le combat savoureux.
Le personnage ne réussit pas à maintenir ses relations «amoureuses»
au-delà des premiers mois ou même des premiers jours. Deux seules ont
survécu 24 mois. Mais de toute façon, la durée n’est pas son objectif… pas
encore... Il y eut bien, à 51 ans, cette histoire avec Christelle qu’il a
rencontrée et aimée sincèrement, mais il l’a quittée par peur de
l’engagement.
Après que la vie lui aura servi quelques épreuves et expériences
marquantes et que les années auront réduit un tant soit peu ses ardeurs
libidinales, nous le retrouvons, en 2042, vivotant dans un «centre pour
vieux». Il a 80 ans, des douleurs un peu partout, mais sa fougue n’est
qu’endormie.
Autant pour ressasser ses souvenirs que pour distraire et impressionner
les résidents du centre, il fait le récit croustillant de son journal intime
à qui veut bien l’écouter. Distraction très appréciée qui lui attire de plus
en plus d’auditeurs. Parmi eux, la pétillante Julie Quesnel, 82 ans, dont la
beauté réussit à raviver la flamme de notre héros, à lui insuffler un
dernier désir. Et il semble bien que cette fois-ci, l’Amour est au
rendez-vous. Voici donc Philippe Dumouchel, avec Julie et deux autres jeunes
vieillards, Yves Chamberland et Monique Dagenais, à planifier une aventure
rocambolesque leur permettant de fuir ce centre aseptisé qui les
déshumanise, pour se laisser réhabiter par leurs sens avant de mourir.
J’ai adoré ce premier ouvrage de Michel Fréchette dont le style
littéraire m’a, par moments, fait penser à un San Antonio en plus raffiné.
Un roman captivant, de la première à la dernière page, un regard intelligent
et espiègle sur la vie, la vieillesse, la société, une écriture d’une
finesse et d’un humour irrésistibles. Réflexions et questionnements,
sourires et éclats de rire garantis.
Michel Fréchette travaille en communication depuis 1968. Il débute dans
le métier en travaillant au sein de l’équipe de fondation de CFGL-FM où il
apprend tous les métiers de la radio, puis la rédaction, le journalisme, en
passant par l’animation et la vente. Au début des années 70, il fait un saut
chez JPL production pour apprendre les bases de la réalisation publicitaire
télévisuelle. En 1972, il fonde sa propre boîte de communication et agit
comme communicateur-conseil auprès d’institutions et d’entreprises depuis ce
temps.
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