Liaison, 30 septembre 2004
Aider Québec à devenir un
chef de file en cyberdémocratie
Avec l'expansion d'Internet émerge peu à peu un phénomène nouveau dans
nos pays démocratiques : celui de la cyberdémocratie. Le gouvernement du
Québec nourrit le projet de devenir un chef de file en la matière au cours
des prochaines années. C'est à une équipe de recherche de l'Université que
le Conseil du trésor a mandaté de faire le point sur le phénomène et de
proposer un modèle de développement.
STÉPHANIE RAYMOND
Ce mandat fait partie du projet de Québec de mettre en place un
«gouvernement en ligne» dans le but de rendre plus efficaces les relations
entre administration et citoyens. La cyberdémocratie a comme objectif plus
précis de faciliter, d'élargir et d'approfondir la participation des
citoyens dans le processus démocratique.
L'équipe de Sherbrooke est composée de six membres de la Faculté
d'administration : Paul Prévost, directeur de la recherche, Marie-Ève
Fortin, assistante de recherche et étudiante à la maîtrise, Mélanie Lagacé
et Karl Lussier, professeurs à la recherche de niveau II, ainsi que Bernard
Sévigny et Chakda Yorn, chargés de cours et doctorants.
«Nous travaillions déjà ensemble depuis trois ans dans deux projets du
Centre francophone d'informatisation des organisations (CEFRIO), dont un
portait sur la démocratie en ligne dans les collectivités locales, explique
Paul Prévost. Un des membres du CEFRIO, Michel Rosciszewski, a beaucoup aimé
notre travail et notre équipe. Comme il est directeur de l'autoroute de
l'information au Conseil du trésor, il a pensé à nous pour mener l'étude sur
la cyberdémocratie au niveau provincial.»
La cyberdémocratie au Québec
Comment le gouvernement québécois peut-il mettre à profit les
technologies de l'information et de la communication pour améliorer les
pratiques démocratiques? Voilà la question à laquelle devait répondre
l'équipe de janvier à juin 2004. Un rapport de 437 pages en a résulté,
rapport qui devrait être publié en format livre à l'automne 2005.
«Nous avons analysé l'exercice de la cyberdémocratie dans huit pays :
France, États-Unis, Grande-Bretagne, Écosse, Queensland (région de
l'Australie), Singapour, Nouvelle-Zélande et Canada, explique Bernard
Sévigny. Nous avons relevé les meilleures pratiques et politiques, que nous
avons adaptées à la réalité québécoise.»
En plus du rapport, l'équipe a également produit un portail montrant ce à
quoi pourrait ressembler le site du gouvernement du Québec dans un contexte
de cyberdémocratie (www.guezan.com/e-democratie).
Peur et bonne volonté
Introduire la cyberdémocratie exigera de l'État qu'il redéfinisse les
relations élus-citoyens et modifie ses pratiques administratives. «Cette
révolution prendra beaucoup de volonté, d'argent et de temps, 10 ans
croyons-nous, affirme Paul Prévost. On sent une volonté, mais aussi beaucoup
de résistance et de crainte, car en cyberdémocratie, l'information doit être
la plus transparente possible.»
Les comportements des citoyens devront également changer. «Ce changement
s'opérera surtout au niveau des jeunes et des retraités, qui sont des
usagers massifs d'Internet, poursuit le professeur. À un certain moment, les
citoyens trouveront normal de communiquer avec leurs élus pour n'importe
quoi.»
Une bonne cyberdémocratie
«Il est difficile de définir une bonne cyberdémocratie compte tenu du
caractère récent des avancées technologiques. Le modèle que nous proposons
n'est pas infaillible; le gouvernement devra procéder par essais et erreurs,
par le biais de projets pilotes», indique Bernard Sévigny.
L'équipe a proposé de mettre sur pied un observatoire de la
cyberdémocratie, pour analyser ce qui se fait ailleurs et ne pas répéter les
mêmes erreurs.
Selon les nouveaux spécialistes, le Québec a tout pour s'immiscer en tête
du peloton des états cyberdémocrates, en raison de sa petite taille, de sa
capacité d'adaptation et de sa volonté.
Si développer des services en ligne est une première étape, la véritable
cyberdémocratie commence par la consultation des citoyens sur Internet. «Le
défi majeur reste la rétroaction, affirme Mélanie Lagacé. Même dans les
meilleures cyberdémocraties, en Grande-Bretagne notamment, le citoyen ou
l'organisation ne sait pas ce qui arrive avec l'information qu'il donne.» En
plus des consultations, référendums, pétitions et votes en ligne sont
également envisageables.
L'équipe de l'Université aimerait maintenant pousser la recherche au
niveau des défis de la cyberdémocratie, si Québec le leur demande. «Nous
voudrions devenir le premier centre d'expertise en cyberdémocratie au Canada
et nous réseauter avec les autres universités de la planète qui
s'intéressent au sujet», termine Paul Prévost.
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