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L'Odyssée de Rackam
Retour sur une expédition mouvementée
CHARLES VINCENT
Le 9 juin, le trimaran Rackam quittait le port de Québec à destination
des Îles de Mingan. Pour l'équipage, formé de cinq jeunes, dont quatre
étudiantes et étudiants de l'Université, cette mise à l'eau couronnait cinq
mois d'intense labeur. Cette expédition, sur la côte nord du Saint-Laurent,
ils l'avaient préparée dans les moindres détails. Ils avaient testé leur
bateau, élaboré leur feuille de route, prévu l'équipement, bref, ils étaient
prêts à faire face à presque tous les «vents mauvais», comme dit Verlaine.
La seule chose qu'ils n'avaient pas réellement mise à l'épreuve, c'est la
chimie du groupe. Sa cohésion. Malheureusement, celle-ci ne tarda pas à se
lézarder. Huit jours après le départ, le groupe se scindait : trois d'entre
eux quittaient, deux continuaient. La «cassure» s'est opérée à Tadoussac. De
là, les «rescapés» de l'expédition, Amélie Boivin et Mathieu Chagnon, ont
décidé de rallier Les Escoumins, non sans avoir au préalable remonté la
rivière Saguenay jusqu'à la Baie des Ha! Ha!
«Nous avions des visions divergentes de l'expédition, et ce n'est qu'une
fois sur le fleuve que nous nous en sommes vraiment rendu compte, explique
Amélie. On a d'abord cru pouvoir cimenter le groupe, mais ça n'a pas
fonctionné.» Amélie et Mathieu n'en tiennent pas rigueur à leurs collègues.
Ils sont déçus de la tournure des événements, mais en philosophes, ils
reconnaissent avoir grandement appris dans l'aventure. «On a grandi à un
rythme incroyable, soutient Mathieu. Le projet nous a permis de rencontrer
des gens extraordinaires.»
Pour plus d'information sur le projet, visitez le site
www.USherbrooke.ca/rackam.
Extraits de leur journal de
bord
17 juin 2004
La cassure
Ce matin, Anders, Annie et Mathieu P. sont partis, chacun avec le
matériel qu'ils fournissaient à l'expédition : Anders, la van, Annie, le
matériel de sécurité, Mathieu P., sa tente. Cela nous laisse, Amélie et moi,
avec un bateau, pas de véhicule pour le transporter et beaucoup de matériel
inutile. Ça ne sera pas facile. Au moins, pendant la nuit, j'ai eu le temps
de faire ma raison de tout ça, s'il faut continuer à deux, nous
continuerons… (Mathieu)
18 juin 2004
La poursuite
Amélie et moi avons entrepris de s'organiser pour un éventuel départ. Nous
avons contacté Ianie, une amie que j'ai connue dans les rangs du Vert & Or,
il y a quatre ans. Elle habite Tadoussac, où elle occupe un emploi au Centre
d'interprétation des mammifères marins. Elle nous a prêté sa voiture puis
elle nous a permis de stocker du matériel chez elle jusqu'à la fin de
l'expédition. (Mathieu)
19 juin 2004
Le calme après la tempête
Rien de spécial aujourd'hui, nous commençons tranquillement à attendre notre
nouveau départ. Nous avons décidé aujourd'hui de remonter les eaux moins
tumultueuses du Saguenay afin d'apprendre notre nouveau mode d'expédition,
un bateau, un sac à dos, deux sac étanches, qui contiennent nos sacs de
couchage et une tente, bref, le strict minimum. (Mathieu)
19 juin 2004
Continuer
Quand Annie et Anders
sont arrivés, j'avais l'impression qu'ils n'avaient aucune idée de ce que le
fleuve est et ce que la réalité exigeait de nous pour réaliser un projet
trop ambitieux dans les circonstances du moment. Juste l'expérience du
démâtage nous avait bien mis à l'épreuve, moi et Math C. Les bris matériels
se succédaient et après tout ces mois d'efforts sans relâche pour bâtir le
projet, on trouvait les obstacles nombreux et parfois, je craignais qu'on se
remette en question et que l'adversité nous éloigne des fondements de cette
aventure. Une chose est certaine, l'investissement de chacun était loin
d'être le même et la vision de chaque membre de l'équipage avait bien
changé.
Anders, Annie et Math P. sont partis avant-hier, et moi et Math C., on a
choisi de continuer. Les chemins de cet équipage ne pouvaient pas se
rejoindre et je crois qu'ils divergeaient depuis déjà un moment. Je respecte
et comprends leur choix, mais je ne peux pas m'empêcher d'être
désillusionnée par rapport à la possibilité de réunir des individus très
différents dans un projet multidisciplinaire. C'était tout un défi et j'y
croyais.
On apprend tellement et on rencontre des gens fantastiques et pour moi,
l'aventure ne fait que commencer. (Amélie)
30 juin
Dire au fleuve «à très bientôt!»
Je ne pense qu'à continuer le périple même si je sais très bien que le temps
alloué à l'expédition est maintenant échu. On s'est bien prouvé que ce
projet est réalisable dans tout son ensemble, mais avec une bonne
préparation et des moyens dont nous ne disposons pas encore. Mais je n'ai
pas dit mon dernier mot…
À bientôt, très cher fleuve et magnifique Côte-Nord. (Amélie)
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