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Karyn Le Hur
Le goût de la physique
Sophie Payeur
Karyn Le Hur ne s'émeut pas du fait qu'elle est la première et la seule
physicienne de l'Université de Sherbrooke. En revanche, elle ne badine pas
avec la formation des étudiants. Sa démarche scientifique est animée d'une
insatiable soif de créer.
Difficile, tout de même, de ne pas parler des femmes en sciences
lorsqu'on s'adresse à la toute première femme du Département de physique.
«J'espère que ma présence attirera davantage de filles au Département,
confie Karyn Le Hur. Ce que je n'avais pas prévu en m'immergeant dans ce
monde d'hommes, c'est la combativité. Pour survivre dans ce milieu, il faut
pratiquer la compétition, et j'apprends à le faire.»
Physicienne théoricienne, Karyn Le Hur étudie les matériaux
supraconducteurs à l'échelle mésoscopique, une très petite échelle qui
équivaut à une allumette divisée 100 000 fois. Autant dire que nous sommes
dans l'univers des atomes. Spécialité incontestée des physiciens de l'UdeS,
les matériaux supraconducteurs conduisent l'électricité sans résistance ou
perte d'énergie. Cette propriété se manifeste habituellement à très basse
température, près du zéro absolu. Or, le rêve des scientifiques est de
concevoir des matériaux supraconducteurs à température ambiante, ce qui
ouvrirait la voie à de formidables applications pratiques, notamment dans
les domaines de l'électronique et de l'énergie. «Je propose des combinaisons
de matériaux pertinentes pour étudier le comportement des électrons, des
assemblages susceptibles de donner des résultats intéressants. Le but est de
comprendre les interactions entre les électrons. Je conçois d'abord des
schémas et mes collègues procèdent ensuite aux expériences.»
Qu'est-ce qui pousse Karyn Le Hur à errer dans des sphères aussi obscures
pour le commun des mortels? «Je ne sais pas. J'ai l'impression que c'est ce
que je dois faire, tout simplement.» Mais avant tout, c'est une passion.
«Quand je vais à la mer, je nage et quand je reviens sur la plage, j'ouvre
mon cahier et je fais des schémas. C'est plus fort que moi.»
Karyn Le Hur voue un amour sans bornes pour l'abstraction et pour tout ce
qui fait place à la création. Étudiante, elle a longtemps hésité entre la
philosophie, le théâtre et les sciences. Le choix fut déchirant. «La science
était le choix à faire. Elle rassemble la recherche et la création.»
Chercheuse précoce, la jeune femme a su très vite quel type de travaux elle
souhaitait conduire. Alors que Karyn n'avait pas encore de doctorat, elle a
produit en solo plusieurs articles scientifiques. La formation des jeunes
physiciens revêt d'ailleurs une grande importance pour elle. C'est sans
doute ce qui explique qu'elle est particulièrement sévère envers ses
étudiantes et étudiants. «Je suis intransigeante. Mais je pense que je leur
rends un grand service.» Qu'espère-t-elle de ses propres travaux? «C'est ce
que je me demandais ce matin. La physique sauve rarement le monde. Je pense
toutefois que si j'encadre correctement mes étudiants et que je réussis à
faire avancer la physique d'une quelconque façon, j'aurai réussi.»
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