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Liaison, 2 septembre 2004
Nouveauté livre
Critique invitée : MARIE-FRANCE NOËL
Adjointe au vice-doyen à la recherche
Margaret Mazzantini – Écoute-moi
«Un homme et les femmes de sa vie… Une confession brûlante, une mise à
nu bouleversante où affleurent toutes les nuances, toutes les ambivalences
de l'amour et du désir.» Telle est la façon dont Écoute-moi, de Margaret
Mazzantini, est résumé sur la pochette du livre. Histoire d'amour
touchante? Oui, vraiment… Amour et désir? Il en est largement question en
effet. Mais le mot qui décrit le mieux ce roman est certainement
bouleversant.
N'importe quel parent a probablement tremblé d'horreur en s'imaginant
confronté à une telle situation : voir son enfant en proie à d'intenses
souffrances, victime d'un accident pourtant bête qui le plonge entre la
vie et la mort. C'est la situation vécue par Timoteo, un chirurgien dont
la fille de 15 ans, Angela, est en salle d'opération pour des blessures
graves au cerveau à la suite d'un accident de scooter. Tandis qu'il attend
des nouvelles de sa fille qu'un collègue opère, Timoteo passe en revue son
triste passé : il raconte alors, sous la forme d'un long monologue adressé
à sa fille, comment ses relations amoureuses avec deux femmes en tout
point différentes ont fait de lui cet homme distant, retiré, qu'il est
devenu aux yeux de sa femme et de sa fille. Deux histoires se déroulent
donc en parallèle dans ce roman de Margaret Mazzantini, d'une part celle
du père qui attend pendant que sa fille lutte pour sa vie et, d'autre
part, ce même homme qui raconte à sa fille de quelle façon il a lui aussi,
en quelque sorte, lutté pour sa propre vie des années auparavant.
Une charge émotive intense
Au départ, je dois avouer que j'ai trouvé le retour en arrière
maladroitement amené : on ne comprend pas pourquoi cet homme, à ce moment
précis, se met à raconter tous ces épisodes de sa vie – bien loin d'être
glorieux – que sa fille aurait certainement eu horreur de connaître.
Jusqu'à la moitié du livre environ, je me suis demandé en arrière-pensée
pourquoi cet homme raconterait tout cela à sa fille. Le personnage
lui-même se pose d'ailleurs la question : «Pourquoi est-ce que je te
raconte tout ça?» Il est difficile de trouver une explication
satisfaisante à cette question, quoique le tout s'éclaire au fur et à
mesure que le roman avance. J'ai effectivement été réconciliée, au fur et
à mesure de ma lecture, avec ce début étrange et ces personnages à la
limite de l'antipathique.
Du point de vue de la forme, j'ai trouvé le rythme général du
déroulement de l'histoire relativement rapide et efficace, mais l'écriture
inutilement alourdie par des effets stylistiques qui auraient gagné à être
utilisés plus parcimonieusement. Si les figures de style – analogies,
comparaisons – sont nombreuses et parfois intéressantes, elles nuisent à
l'occasion à la lecture, forçant le lecteur à s'arrêter pour se demander
quel est le sens des liens faits par l'auteure. Le texte en ressort
perdant à quelques endroits car, de par leur nombre élevé et leur
étrangeté fréquente, ces comparaisons viennent à distraire le lecteur de
l'histoire et de l'émotion, qui auraient peut-être été mieux servis par un
texte plus dépouillé, comme d'ailleurs c'est le cas dans plusieurs autres
sections du livre.
De l'amour fou à la douleur causée par sa perte, ce roman soulève des
thèmes lourds, chargés d'émotions. L'amitié, la famille, le mariage, la
carrière sont traités sous un angle similaire. La lecture de cette
histoire laisse un arrière-goût de souffrance et d'amertume. Mais somme
toute, l'expérience est gagnante. On ne peut nier la charge émotive
intense de ce roman, le regard intime jeté vers la vie amoureuse d'un
homme à prime abord comme les autres, les illustrations intéressantes du
développement d'un amour et même de sa nature tout court. Captivant et
repoussant à la fois, ce livre est touchant et bouleversant.
Gagnant du Premio Strega en 2002 (l'équivalent du prix Goncourt en
Italie), ce roman a comblé tant le public que les critiques. Il s'agit du
deuxième roman de Margaret Mazzantini, une actrice et romancière
italienne, mais du premier traduit en français. Traduit dans 15 pays, ce
livre a été adapté au cinéma par Sergio Castellitto, mari de l'auteure et
cinéaste. Le film sortira sur les écrans italiens à la fin septembre et
met en vedette Penelope Cruz dans le rôle d'Italia.
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