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Liaison, 2 septembre 2004
Parlons sport!
Psychologue invité : MICHEL ROY
Jamais je n'aurais pensé faire une chronique sur le sport! Pourtant, il
est vrai que j'en parle régulièrement dans mon travail avec les étudiantes
et étudiants, car le sport et l'activité physique me semblent être des
ingrédients indispensables d'une bonne santé mentale. Le sport est
curieusement l'une des premières choses qu'on délaisse lorsqu'on se
retrouve aux prises avec des difficultés personnelles. Pourtant, on
abandonne alors un antidote, sinon un remède à ses tensions
psychologiques. Par la pratique d'un sport, on s'évade un peu des soucis
de la vie quotidienne, on se retrouve dans un univers plus ludique, centré
sur le plaisir. On joue tout en se mettant au défi, en composant avec
l'effort… Pour maîtriser son sport, il faut aussi de la discipline, le
respect de certaines règles. Bref, on joue tout en continuant à apprendre,
à apprendre sur soi et à se développer. Ça ressemble à la vie, mais c'est
un jeu : on ne joue pas sa vie, on joue! Et c'est rafraîchissant, un peu
moins stressant.
La spirale malsaine
Cependant, quand le sport perd son aspect ludique, devient une
obligation, se voile d'exigences, suscite malaise ou angoisse, ça devient
moins drôle. Comme toute bonne chose, le sport a son revers, ses
perversions : la pratique compulsive du sport, le sport investi de toutes
sortes d'enjeux «pas rapport» : survalorisation de l'apparence physique,
outil d'estime de soi, de l'appréciation par les autres, compétition
excessive. Bref, quand le sport sert d'autres objectifs que ce qu'il est
essentiellement, un jeu (même si ce jeu peut être sérieux), il risque de
nous entraîner dans une spirale malsaine. On n'a plus de plaisir, le
stress augmente avec la pratique, on ressent toutes sortes d'émotions
négatives autour de la pratique de son activité. Ce qui devait être un
jeu, une détente, est devenu un piège, voire un enfer. Le risque d'une
dérape s'accroît lorsqu'on est un athlète d'élite, reconnu par ses pairs,
entouré d'une aura de célébrité. Les attentes de l'entourage deviennent
alors plus explicites, plus fortes aussi, et le risque de se perdre et de
perdre le plaisir de son activité grandit d'autant.
Comment maintenir un juste équilibre et profiter des bienfaits de
l'activité sportive? Comme pour d'autres aspects de notre vie, un peu de
vigilance s'impose. Quand le plaisir n'est plus au rendez-vous, quand on
sent, même confusément, que le jeu est contaminé par d'autres enjeux, il
est alors temps de s'interroger sur les raisons de ce changement et
ensuite d'agir. Pourquoi le plaisir est-il disparu? D'où vient
l'inconfort? Que cherchez-vous à prouver, à réaliser par la pratique de
votre sport? Vous souhaitez être apprécié des membres de votre entourage?
Soit, mais leur appréciation est-elle vraiment tributaire de vos
performances? Avez-vous d'autres atouts qu'ils apprécient? Parlez-en avec
eux… Pouvez-vous prendre d'autres moyens pour susciter ou maintenir leur
appréciation? Ainsi, vous pourrez graduellement ramener le cap sur le jeu,
le plaisir dans la pratique de votre activité préférée.
Les sportifs d'estrade
Qu'en est-il maintenant des sportifs d'estrade, de ceux et celles qui
pratiquent les sports en spectateurs, par personne interposée? Regarder un
sport, assister à des joutes sportives est un loisir fort agréable qui
détend, mais vous vous en doutez bien, il ne remplace pas les effets
bénéfiques de la pratique concrète d'un sport. Aller encourager les
athlètes qui ont investi tant d'énergie dans un sport qui les a menés à
des sommets de performance est agréable, encourageant, valorisant pour ces
athlètes, et peut même vous inciter à développer vos propres talents.
Cependant, je constate que, assister à un spectacle sportif a de moins en
moins à voir avec le sport qui se joue sur le terrain et de plus en plus
avec le spectacle qui a cours dans les gradins. On vient pour encourager
son équipe, mais on dirait que le spectacle sur le terrain est devenu de
plus en plus accessoire. L'objectif maintenant semble de faire le party
dans les estrades. Y aurait-il là un désir inconscient de devenir les
héros du spectacle et une tentative de diluer le spectacle réel, fruit de
l'effort, de la discipline, de la persévérance des athlètes? Un peu comme
Narcisse qui préfère contempler son image... Se centrer sur le spectacle
et valoriser l'effort et le talent de nos athlètes nous mettrait-il en
face de notre paresse?
Alors, un petit effort… pour le plaisir. Allez jouer, vous aussi!
En collaboration avec : Le Service de psychologie
et d'orientation
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