Liaison, 2 septembre 2004
L'informaticienne Hélène Pigot
Au service des humains
SOPHIE PAYEUR
Amoureuse des voyages et adepte du changement, Hélène Pigot aime les
humains par-dessus tout. Informaticienne et ergothérapeute, elle a choisi de
mettre ses connaissances au service des personnes en difficulté.
Malgré l'enthousiasme qui l'anime, Hélène Pigot ne cache pas le malaise
qu'elle ressent face à sa profession. «Les problèmes soulevés en
informatique sont généralement des problèmes d'hommes. La recherche n'est
pas assez tournée vers les services au public…» Pas surprenant, à ses yeux,
qu'à peine 10 % de femmes adhèrent à cette discipline. «C'est difficile de
faire des liens avec le vivant. Pourtant, l'information est au cœur de nos
sociétés. En s'appropriant l'informatique, les hommes s'approprient aussi
une branche du pouvoir sur la façon de gérer la société.» À l'époque où elle
complète sa thèse de doctorat en reconnaissance de la parole, Hélène Pigot
trouve peu de satisfaction à faire de la recherche en informatique. Elle
décide alors de se tourner vers l'ergothérapie.
Après un retour sur les bancs d'école, elle pratique le métier
d'ergothérapeute pendant quelques années. Accompagnant son conjoint
informaticien qui parfait ses études, elle séjourne notamment à l'île de la
Réunion et en Italie. Son passage en Europe est déterminant. En plus de
devenir mère pour la cinquième fois, elle fait la connaissance de
scientifiques dont le sujet de recherche pique sa curiosité : la
télésurveillance. Un poste de professeur qui lui est offert quelques années
plus tard par le Département d'informatique de l'Université de Sherbrooke
sert de tremplin au projet qu'elle mijote : concevoir un habitat dans lequel
les personnes souffrant de handicaps pourront conserver plus longtemps leur
autonomie.
Le projet Domus – Domotique et informatique mobile à l'Université de
Sherbrooke – regroupe aujourd'hui quatre chercheurs. «Les personnes aux
prises avec des troubles cognitifs sont au cœur de nos préoccupations : les
personnes âgées souffrant de démence, les jeunes schizophrènes ou les
adultes ayant subi un traumatisme crânien. Incapables de trouver un
encadrement et des soins suffisants, les jeunes déficients sont placés dès
l'âge de 21 ans à l'Institut de gériatrie : un véritable non-sens! Une
résidence adaptée leur procurera une autonomie qu'ils n'auraient pas
autrement.» Effectué en collaboration avec le Centre de réadaptation de
l'Estrie (CRE), le projet vise à développer des interfaces informatiques
raffinées qui seront réparties dans les pièces. «Si la personne oublie de
prendre ses médicaments ou laisse le four en marche, le système émettra des
messages écrits, vocaux ou lumineux pour lui rappeler ce qu'elle a à faire.
Les technologies doivent être capables de communiquer avec les intervenants
du CRE si la situation le justifie.»
La mission de l'équipe est de concevoir des appareils qui analysent des
situations, réagissent et communiquent. Le défi est considérable, mais
Hélène Pigot concrétise enfin son rêve. «Les solutions que nous proposons
répondent à des besoins éprouvés par l'ensemble de la population.
L'informatique est omniprésente dans nos voitures : imaginez ce qu'elle peut
apporter à nos maisons!» Pour Hélène Pigot, il n'y a pas de doute : un
projet comme Domus risque de changer profondément notre vision de l'habitat
et la manière dont nous organisons notre vie.
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