|
Liaison région, 28 octobre 2004
Trois visions du développement durable au Québec
Sophie Payeur
Bien avant son élection, en avril 2003, le Parti libéral du Québec
s'engageait à doter la province d'un Plan vert de développement durable.
Attendue depuis plus d'un an maintenant, la sortie de ce plan est espérée
cet automne. Avec pour toile de fond la Commission d'étude sur la gestion
de la forêt publique québécoise, trois scientifiques de l'Observatoire de
l'environnement et du développement durable de l'Université de Sherbrooke
se prononcent sur ce que devrait contenir ce Plan vert, le chimiste
Patrick Ayotte et les biologistes Colette Ansseau et Marco Festa-Bianchet.
Quand on lui demande ce qu'il aimerait voir apparaître dans le Plan
vert, Patrick Ayotte insiste sur les mesures qui incitent à «penser vert».
Il y a les traditionnels incitatifs «négatifs», comme les amendes imposées
aux pollueurs. Mais celles-ci sont ridiculement basses. Selon Patrick
Ayotte, il faut hausser les amendes tout en instaurant des façons de
récompenser ceux qui investissent temps et ressources dans des méthodes de
prévention et de conservation. Le chercheur espère également que le
gouvernement insufflera plus de financement à ceux qui se consacrent à
trouver des solutions. «Des technologies plus propres, comme les piles à
combustible, sont sur le point d'être utilisables, mais les fonds sont
insuffisants pour parfaire les procédés. Il faut se donner les moyens de
nos ambitions!»
Celui qui étudie les grands ongulés depuis des années pense quant à lui
que le Plan vert doit contenir des mesures musclées visant à protéger les
habitats fauniques. «Le Québec s'est pourvu d'une liste des espèces
menacées et c'est une bonne chose, dit Marco Festa-Bianchet. Mais on ne
trouve presque rien pour protéger ces espèces et leurs habitats.» Le
biologiste s'intéresse notamment au bouquetin des alpes. «Cette espèce vit
en haute altitude. Depuis quelques années, on remarque que le couvert
neigeux des montagnes est moins important. Qu'on le veuille ou non, les
changements climatiques existent et ils ont des effets bien réels. Dans le
cas du bouquetin des alpes, ça se traduit par une hausse de la population.
Ce n'est pas négatif en soit, mais cela illustre bien qu'il faut penser
aux habitats si on veut protéger les espèces. Or, peu d'efforts sont
investis à définir les habitats d'un point de vue légal. Sans définition
claire, comment pouvons-nous prétendre les protéger adéquatement?»
Colette Ansseau, elle, ne peut concevoir un Plan vert qui fasse fi de
la notion de bien public. «La loi sur les forêts prévoit certaines mesures
qui protègent les écosystèmes forestiers exceptionnels, mais ces dernières
n'ont aucune force lorsque nous sommes en terre privée. Si les arbres en
question ont poussé sur une terre privée, le droit de propriété prime et
le propriétaire a toute la latitude pour raser n'importe quel spécimen.»
Le problème est particulièrement inquiétant en Estrie, où 98 % de la forêt
se situe en terre privée. «Je pense que la forêt est une ressource
publique au même titre que l'eau. Si nous ne mettons pas en place des
façons que le bien public l'emporte sur le bien privé, je ne vois pas
comment nous parviendrons à un développement durable.» Tout comme Patrick
Ayotte, Colette Ansseau mise davantage sur des mesures d'encouragement à
protéger le territoire forestier.
Retour à la une
|