Liaison région, 11 novembre 2004
L'automobile : une tyrannie?
L'automobile devait améliorer notre qualité de vie. Nous faciliter la
vie. Et si elle était plutôt en train de détruire notre environnement, et
nos vies par le fait même? C'est ce qu'a soutenu Richard Bergeron,
responsable des analyses stratégiques à l'Agence métropolitaine du
transport, lors d'une conférence à l'Université de Sherbrooke le
4 novembre, à l'invitation de l'Observatoire de l'environnement et du
développement durable de l'Université.
Le recteur Bruno-Marie Béchard a d'abord rappelé l'effort mis par
l'Université de Sherbrooke dans le développement durable, entre autres
grâce à la création de l'Observatoire en 2003 et au libre accès des
étudiantes et étudiants au transport en commun.
La tyrannie automobile
Richard Bergeron a dénoncé avec véhémence les lois du capitalisme, qui
prône la consommation excessive dans une logique de
production-destruction-production continuelle.
Ironiquement, depuis l'adoption du protocole de Kyoto en 1997, le
nombre d'automobiles a augmenté de façon dramatique. Leur puissance
également, et donc leur consommation d'essence. On prévoit qu'il y aura
jusqu'à 2,5 milliards de voitures sur la planète en 2030. «Mais il se sera
passé quelque chose avant, qui pourrait ressembler à la situation de l'île
de Pâques vers 1400», affirme Richard Bergeron. C'est-à-dire un recul de
la civilisation et un décroissement de la population en raison de la
destruction de l'environnement.
Deux voitures par couple, ou même par personne. Une auto dès le cégep.
«C'est la tyrannie de la consommation, déplore le spécialiste. L'industrie
automobile en met toujours plus pour nous inciter à consommer. Notre
projet de société : que tout le monde ait une auto.»
Les hommes ont atteint un plafond (93 % possèdent une voiture en
Amérique du Nord); on les convainc donc d'acheter des voitures plus
puissantes. Les femmes, elles, devraient rattraper les hommes en 2016.
Quant aux jeunes, on les incite à mettre plus d'argent dans la voiture
qu'ils achètent.
Résultat : toujours plus de pollution, de délinquance au volant et de
morts. Des villes inhumaines, faites d'édifices, de stationnements et de
routes. Des gens qui mettent 0,59 $ dans leur voiture pour chaque dollar
dépensé en consommation au détail, dont 0,27 $ va à l'étranger.
Des solutions réalistes
Plutôt que de se faire complice de la logique commerciale, le
gouvernement devrait inciter les Québécois à opter pour des autos moins
énergivores, soutient Richard Bergeron. Comment? En implantant des mesures
financières (taxes sur l'essence, le stationnement…) qui désavantagent les
gros consommateurs. «On pourrait ainsi récolter deux milliards de dollars
par an, argent qui alimenterait un fonds de Kyoto.»
Puis, réaménager les villes devenues «barbares», pour les recentrer sur
l'être humain, le tout dans une perspective de développement durable. Ceci
en implantant par exemple un système de tramway comme l'ont fait certaines
villes européennes, ce qui diminue la circulation automobile, permet
l'implantation de zones piétonnes et élimine les grands stationnements au
centre-ville. «Pourquoi ne ferait-on pas la même chose ici? se demande le
spécialiste. Il suffit de le vouloir.»
S. R.
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