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Liaison région, 17 mars 2005
S'abandonner au pays des pharaons
Simon Larouche se passionne pour le monde arabe. C'est en
lisant les livres du journaliste et romancier Amin Malouf qu'il a découvert
cette partie du globe, il y a une bonne dizaine d'années, et c'est par
l'intermédiaire de son grand frère, un voyageur invétéré, qu'il a développé
le projet de la visiter. Ce qu'il a fait, d'ailleurs, à maintes reprises
depuis 1998, visitant notamment la Tunisie, l'Égypte et la Palestine. Depuis
le 7 février, Simon baigne de nouveau dans cette culture si fascinante, mais
cette fois-ci avec en tête un objectif très précis, celui d'apprendre
l'arabe. Pour s'aider, il suit des cours à l'Université du Caire, en Égypte.
CHARLES VINCENT
Au moment où il terminait son baccalauréat en histoire à
l'Université Laval, Simon Larouche a découvert Sami Aoun. Il a tout de suite
été séduit par les analyses que l'éminent professeur livre, jour après jour,
dans les médias québécois. C'est alors qu'il a pris la décision de
s'inscrire à la maîtrise en histoire à l'Université de Sherbrooke, sous la
direction, il va sans dire, du professeur Aoun. «Pour moi, il était
important de travailler avec un professeur qui parle l'arabe, qui connaît le
monde et la culture arabes, explique Simon. Tout comme, à mes yeux, il était
primordial que je parle moi-même cette langue.» Un défi qu'il entend bien
relever dans les prochains mois.
Détenteur d'une bourse offerte par le gouvernement égyptien, en
collaboration avec le ministère de l'Éducation du Québec, Simon suit
actuellement – et jusqu'au mois de mai – des cours à l'Université du Caire.
«La bourse défraie l'ensemble de mes dépenses là-bas, précise-t-il. C'est un
coup de pouce extraordinaire. Le gouvernement m'offrait même un logement,
mais j'ai refusé. J'ai plutôt choisi de me trouver moi-même une chambre dans
un quartier populaire, car je veux m'imprégner des gens, de la culture. Je
veux adopter leur rythme de vie, vivre à leur façon, avec leurs visions.
Bref, je veux m'abandonner complètement à ce pays plusieurs fois
millénaire.»
En plus des cours qu'il suivra et de la vie de quartier dans
laquelle il promet de s'investir à fond, Simon prévoit se rendre en région,
plus particulièrement dans le sud du pays. «Je veux aussi voyager dans les
terres, indique-t-il. J'ai déjà visité le nord du pays, lors de mon premier
séjour, maintenant je veux m'attaquer à la haute Égypte.» Un projet
ambitieux, considérant que la ville du Caire, fondée il y a plus de mille
ans, offre à elle seule mille et une découvertes. «La ville est immense,
lance Simon. Elle est tellement grande que les autorités ignorent de combien
de personnes elle est peuplée exactement. Ça jouerait entre 18 et 24
millions d'habitants.»
D'une rupture à l'autre
Pour Simon, c'est l'évidence même : en ce début de millénaire,
l'Égypte est un pays qui se cherche, qui cherche sa voie vers la modernité,
tant économique et sociopolitique que morale. «À mon sens, prophétise
l'étudiant, il y a une zone de rupture à l'horizon, et cette rupture devrait
survenir lorsque le président actuel, Hosni Moubarak, quittera la
présidence. Dès lors l'Égypte devrait changer de visage.» Moubarak gouverne
le pays presque sans partage depuis 1981, année où a été perpétré
l'assassinat de son prédécesseur, Anouar el-Sadate. Il est âgé de 75 ans.
Cette thématique de la rupture, on la retrouve également dans
le projet de maîtrise de Simon. Son mémoire portera sur la présidence d'El-Sadat,
soit de 1970 à 1981. «Pendant cette période, on a assisté au retour de
l'Égypte dans le giron occidental, précise-t-il, une décision qui s'est
faite au détriment de l'autre pôle d'attraction, l'URSS.» Plus
particulièrement, Simon s'interroge sur la construction du discours
présidentiel. «Je veux comprendre, au-delà des débats sur les motivations
qui ont poussé le président à opter pour l'économie de marché, comment il
s'y est pris pour expliquer ses politiques, tant à l'interne qu'à
l'externe.»
Une légitimation qui s'est opérée sur une toile de fond
particulière. Comme l'explique Simon, trois identités coexistent dans la
culture égyptienne : la musulmane, fondée essentiellement sur la religion,
l'égyptienne qui, elle, renvoie à l'univers mythique des pharaons, puis
l'arabe, qui repose principalement sur la langue. Il tentera de comprendre
comment ces trois identités ont fonctionné entre elles dans un contexte de
légitimation par le pouvoir d'une politique d'alignement sur l'Occident. «Je
travaillerai avec des notions comme la symbolique politique, les images
politiques, la représentation et l'identité, précise Simon.
Abattre les murs
Même si les gens ne comprennent pas toujours son intérêt pour
le monde arabe, Simon Larouche persiste et signe. «Plusieurs personnes ne
comprennent pas pourquoi je m'intéresse à des pays où la condition de la
femme est critiquable, où le terrorisme sévit. Je ne suis pas là pour
endosser, mais pour faire le plein de connaissances, argue-t-il. En
poursuivant mes études sur l'Égypte, et me rendant le plus souvent possible
au Proche-Orient, je veux mieux connaître les Arabes, leur histoire, pour
mieux la communiquer aux gens d'ici. Il y a encore des murs qui bloquent la
compréhension, et je me suis donné pour mission d'en abattre le plus
possible.»
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La ville du Caire gagne sans cesse sur le désert, s'approchant de
plus en plus des pyramides de Gizeh.
Photo : Simon Larouche
Simon Larouche |