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Liaison, 20 mai 2004
L'itinérance en Montérégie
Peu visible, mais bien présente
CATHERINE LABRECQUE
On les imagine reclus de la société, vêtus de loques, quêtant quelques
sous pour se payer un frugal repas. Bien souvent, on les confond avec les
sans-abri et les clochards. Avec la recherche Itinérance en Montérégie –
Comprendre le phénomène et identifier les besoins, Roch Hurtubise,
professeur au Département de service social, défait les clichés concernant
les itinérants et lève le voile sur une réalité étudiée dans une région
semblable à l'Estrie sur plusieurs points.
La Montérégie. Prospère région en plein développement, deuxième plus
peuplée du Québec après sa voisine, la métropole. Un milieu des plus variés,
divisé entre ruralité et urbanité. Terre d'accueil pour des itinérants, dont
le nombre est en hausse depuis quelques années. L'itinérance demeure somme
toute un phénomène peu visible. «On appelle ainsi la population usagère de
ressources destinées aux personnes en difficulté, en recherche de logement,
etc.», définit Roch Hurtubise, qui a mené la recherche avec d'autres
chercheurs du Collectif de recherche sur l'itinérance, la pauvreté et
l'exclusion sociale. Après avoir passé plus d'un an, de 2002 à 2003, à
rencontrer les intervenants des organismes et services offerts aux personnes
sans domicile fixe et à interroger les itinérants, il classe ces derniers
selon quatre portraits types : «L'enraciné possède un fort ancrage en
Montérégie et y a toujours vécu. Cet itinérant déménage fréquemment, selon
les épisodes de sa vie, comme la rupture du couple. L'exilé-installé est
arrivé en Montérégie à l'âge adulte, lorsqu'il a utilisé un service de la
région, comme une maison d'hébergement. Il s'y est installé. Le précaire est
aussi arrivé en Montérégie à l'âge adulte, il y circule sans s'y implanter.
Le bi-ancré vit son itinérance à Montréal. Son réseau familial et
relationnel l'amène sur la Rive-Sud.»
Pourquoi la Montérégie?
En racontant leurs trajectoires, les nomades dévoilent la raison de
certains choix. «Au début, je me demandais pourquoi les itinérants vivaient
ailleurs qu'à Montréal. La réponse est le réseau. Celui de la famille, des
amis ou des ressources les motive à aller en Montérégie. Au terme de la
recherche, nous pouvons affirmer que les personnes itinérantes sont
extrêmement pauvres, et elles ne proviennent pas nécessairement de milieux
pauvres. Elles souffrent de l'absence de stabilité, de projets, de réseaux
ou de ressources. Quant à l'itinérant satisfait de sa situation, qui a
choisi ce mode de vie pour vivre une extrême liberté, je n'en ai rencontré
aucun», admet Roch Hurtubise.
Sur les quelque 162 services en contact avec des personnes itinérantes
répertoriés en Montérégie, cinq étaient entièrement destinés à l'itinérance.
Augmenter ce dernier nombre n'est pas la solution, selon Roch Hurtubise.
«Vaut mieux veiller à améliorer la continuité des services. Par exemple, un
jeune homme peut être dépanné pendant quatre jours dans un centre
d'hébergement. Ensuite, on devrait s'assurer qu'il va chercher des
ressources qui lui sont nécessaires, comme en santé mentale et en santé
physique. On doit aussi miser sur l'intersectorialité. Les services destinés
notamment à la violence faite aux femmes doivent interagir avec les
itinérants, même si ce n'est pas leur spécialité. Nous avons remarqué qu'il
y a moins de services pour les jeunes rejetés du système scolaire et les
personnes âgées. Pour y remédier, il faudrait mieux identifier les
difficultés de ces personnes et les référer aux bons services.»
Sortir de l'itinérance
Personne n'est à l'abri d'un épisode d'itinérance. «Une crise familiale,
la perte d'un emploi, un échec dans le milieu scolaire peuvent être des
éléments déclencheurs. L'itinérance ne dure souvent qu'un temps. Elle se vit
par cycle, de façon sporadique. Pour les sortir de l'itinérance, il faut
aider les itinérants à trouver un sens à leur existence. Un emploi, une
relation signifiante, un support peut être un levier. Les itinérants ont
tendance à renier leur réalité. «Je ne suis pas itinérant! Je travaille : je
ramasse des fraises!» se défendent-ils. Pour se payer un toit, les
itinérants recueillent de l'argent souvent sur de courtes périodes. En
quêter est l'une des méthodes utilisées parmi tant d'autres.»
Par le biais de cette recherche, Roch Hurtubise a voulu donner la parole
aux itinérants. «Dans mes cours, je veux faire comprendre aux élèves que
même si elles ne sont pas les personnes les plus attirantes, sur lesquelles
nous avons envie de nous précipiter pour agir, ces personnes ont du
potentiel. Cette recherche a permis de faire changer le regard.»
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La continuité des services est l'une des problématiques de
l'itinérance en Montérégie. C'est l'un des constats de la recherche
effectuée par Roch Hurtubise, professeur au Département de service
social.
Photo SSF : Roger Lafontaine |