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Liaison, 29 avril 2004
À la conquête du Saint-Laurent
Le 1er juin, le trimaran Rackam le Terrible quittera Cap-Rouge pour
les îles de Mingan, une expédition qui durera un mois. Pour l'équipage formé
de cinq étudiants, dont quatre de l'Université de Sherbrooke, cet
appareillage marquera l'aboutissement de quatre mois d'intense labeur.
Depuis le mois de janvier, ils ont non seulement organisé l'expédition dans
les moindres détails (prévu l'équipement nécessaire, trouvé les
commanditaires, planifié les escales), mais ils ont dessiné eux-mêmes les
plans de leur voilier et procédé à sa fabrication. Une aventure hors du
commun qui fera d'ailleurs l'objet d'un film puisque les étudiants
navigateurs s'adonnent aussi au 7e art : ils tournent en parallèle un
docufiction dans lequel ils jouent eux-mêmes leurs propres rôles.
L'objectif? Porter à l'écran les différentes étapes de la réalisation d'une
expédition à voile.
CHARLES VINCENT
Au cours de l'expédition, l'équipage et son bateau seront soumis à rude
épreuve. Ils parcourront plus de 800 km sur la rive nord du Saint-Laurent,
une portion du Grand Fleuve reconnue pour sa navigation difficile. Ils
devront faire preuve de vigilance pour ne pas lutter inutilement contre les
marées, les courants et les vents contraires, surtout dans la partie dite
«rivière» du fleuve (par opposition à la partie «mer», celle de l'estuaire).
Les jeunes pilotes progresseront à raison de cinq à huit heures par jour, ce
qui, selon leurs calculs, leur permettra de rallier en un mois les 24 étapes
de l'expédition. Au terme de chaque journée, ils s'arrêteront sur la côte
pour camper.
Une organisation bien rodée
Les membres de l'équipage se disent fin prêts à relever ce défi. Il faut
dire que la majorité d'entre eux n'en sont pas à leurs premières armes en
navigation. C'est le cas de l'instigateur de l'expédition, Mathieu Chagnon,
un diplômé de la Faculté de génie, aujourd'hui étudiant en relations
internationales, qui a déjà passé huit mois en haute mer. C'est lui qui a
recruté les autres membres de l'équipage, soit Annie Marceau, étudiante au
doctorat en psychologie, par ailleurs monitrice de voile; Mathieu Pepin,
grand voyageur et amoureux de la nature; Anders Bondo Dydensborg, étudiant
au doctorat en biologie cellulaire et véliplanchiste de haut niveau; et
Amélie Boivin, diplômée du baccalauréat en géographie, cinéaste et
passionnée de la Côte-Nord.
Le bateau, quant à lui, en sera à sa première véritable expédition. Une
situation qui n'inquiète pas l'équipage. «Il sera à la hauteur, indique
Mathieu Chagnon, qui a lui-même dessiné les plans de l'embarcation. Rackam
est le fruit de quatre années de prototypage. C'est une machine de haute
performance qui comporte des innovations importantes, comme un mât-aile en
carbone-kevlar et des barres de traverses fabriquées en fibres composites.»
Doté d'une grande puissance de propulsion, d'une grande légèreté et d'une
hydrodynamique améliorée, le Rackam est long de 6,01 m, large de 4,22. Il
possède un tirant d'eau de 1,3 m et une masse de 155 kg. Il est fait pour
accueillir deux passagers à la fois, si bien que durant l'expédition,
l'équipage se relayera à bord.
Quand ils ne seront pas sur le bateau, les membres de l'équipe ne
chômeront pas. À bord de leur camionnette, ils suivront de visu et par
communication satellitaire l'évolution du voilier, prêts à intervenir en
tout temps, pour aider un collègue en difficulté ou encore pour procéder à
la réparation d'une pièce d'équipement brisée. Cette équipe de terre sera
également chargée de faire le plein de vivres, au fur et à mesure que le
voilier cheminera vers son but. Elle aura finalement pour mission
d'emmagasiner des images de l'expédition et à ce sujet, comme le propos
cinématographique porte sur l'expédition dans son ensemble, tout sera
susceptible d'être capté sur pellicule, autant les perceptions et le vécu de
chacun que les petits plaisirs et pépins de la vie quotidienne, à cinq.
Le film d'une expédition à voile
De tous les types de films possibles, les étudiants ont choisi le
documentaire-fiction. «La place du documentaire se veut un lieu de
circulation des informations et des idées, souligne Amélie Boivin, la
cinéaste du groupe. La caméra saisit le vif du moment, l'expérience réelle,
le vécu de chacun. Quant à l'introduction de la dimension fictive, elle
permet le recours à un volet irréel et crée un rythme au récit.» La partie
documentaire présentera notamment l'élaboration du projet, la construction
du voilier, la recherche de partenaires, leur rencontre préparatoire avec le
pilote professionnel Mike Beedell et, bien sûr, l'expédition comme telle. La
fiction reposera quant à elle principalement sur des mises en scène
irréelles de personnages inspirés par les navigateurs.
Le film se veut d'abord et avant tout l'occasion d'une réflexion. «Nous
avons voulu joindre nos efforts et nos passions pour choisir une aventure
qui nous fera vivre une tout autre réalité», affirmaient les membres de
l'équipage lors d'une présentation qu'ils ont faite au Carrefour de
l'information, le 15 avril. «On cherche à aller jusqu'au bout, contre vents
et marées, avec profondeur et réflexion», concluaient-ils. Et quoi de mieux
pour le faire que de se rendre sur la Côte-Nord, ce territoire si vaste, si
confrontant? «La Côte-Nord est un environnement vulnérable, explique Amélie.
Un lieu de rencontre de la mer et de la terre, un lieu qui dévoile les
traces du passage du temps, qui rappelle que la vie humaine sur cette
planète est bien éphémère.»
Pour bâtir leur scénario, l'équipage du Rackam a profité de l'expertise
du groupe EXPÉ. Dirigé par Hélène Guy, professeure de littérature à la
Faculté d'éducation, le groupe se spécialise dans la création et l'analyse
du récit d'expédition en grande nature, notamment en montagne et en mer.
Valorisant la recherche-création et mettant un accent particulier sur
l'environnement, les projets sont à l'image de ses membres, dynamiques et
interdisciplinaires. Parmi les assistants de recherche, on trouve Nicolas
Grieco, un guide de haute montagne qui travaille sur l'apprentissage
expérientiel en expédition; Sylvie des Rosiers, une ex-entraîneur de
l'équipe canadienne de ski alpin qui s'intéresse au transfert des notions
d'entraînement en atelier d'écriture; Anne Brigitte Renaud, une écrivaine et
doctorante qui met actuellement la dernière main au manuscrit La montagne à
portée de voix (à paraître chez XYZ Éditeur); et, bien sûr, Mathieu Chagnon
et son équipage, intéressés à démontrer que la scénarisation a avantage à
s'amorcer avant l'expédition!
Pour la conception et la fabrication du voilier, les étudiants ont
également profité du savoir-faire d'amis ingénieurs, dont Maxime Nicole,
ingénieur analyste au Département de génie mécanique, Marc-Antoine Legault,
étudiant à la maîtrise en génie mécanique, et Karine Lavertu, étudiante à la
maîtrise en génie mécanique. En leur compagnie, ils ont procédé à l'usinage
et à l'assemblage des moules. L'usinage des moules s'est terminé le 2 avril,
à la Faculté de génie, et le sablage, le 17 avril. Bientôt le moulage et
l'assemblage du bateau seront complétés. Il ne restera plus qu'à faire des
tests sur les lacs de la région, avant le grand jour : la mise à l'eau à
Cap-Rouge, le 1er juin. La date fatidique arrive à grands pas, mais
l'équipage se fait rassurant. Tout sera prêt pour le départ!
Suivez-les sur Internet
Vous pouvez suivre l'évolution de l'expédition sur Internet, à l'adresse
www.USherbrooke.ca/rackam. Monté en collaboration avec l'équipe du
journal Liaison, le site offre notamment un suivi bihebdomadaire des
activités de l'équipage, des fiches biographiques sur les membres, la fiche
technique du voilier, des cartes présentant l'itinéraire et les étapes, des
photos de la construction du bateau, etc.
Soyez de l'expédition!
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Mathieu Chagnon (en bas, à gauche), Mathieu Pepin, Amélie Boivin,
Anders Bondo Dydensborg et Annie Marceau ont uni leurs efforts pour
réaliser une expédition à bord d'un voilier qu'ils ont bâti de leurs
propres mains.
Photo SSF : Roger Lafontaine
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