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Liaison, 8 avril 2004
Réal Dubuc, souffleur de verre
Exporter un métier rare
SOPHIE PAYEUR
À l'heure qu'il est, Réal Dubuc souffle le verre sous les rayons ardents
du soleil marocain et le regard attentif de quelques apprentis. Depuis une
trentaine d'années, cet homme affable est un élément essentiel du travail
des chercheuses et chercheurs en chimie. Ses mains agiles et son œil mille
fois entraîné transforment les tubes de verre en autant de dispositifs
nécessaires aux expériences de laboratoire. Parmi les rares souffleurs de
verre au Québec, Réal Dubuc ne se contente pas de prêter main-forte aux
chimistes du campus. Environ tous les deux ans, il s'envole vers un pays en
voie de développement pour enseigner les rudiments du métier. Il en est à
son quatrième passage au Maroc, en plus d'avoir séjourné quelques semaines
au Sénégal ainsi qu'au Nicaragua.
Pendant un mois, Réal Dubuc pratiquera sa technique au sein d'une
entreprise familiale de Mohammadia, une ville à quelques kilomètres de
Casablanca. On lui a demandé de former un nouvel employé de cette petite
compagnie de soufflage de verre à des fins scientifiques. «Ma femme a
toujours dit que j'aurais dû être curé!, confie Réal Dubuc en riant. J'offre
une formation, mais bien souvent, j'apprends aussi des choses.» Lors de son
dernier passage au Maroc, le souffleur a rapporté dans ses bagages une
technique de moulage au graphite qu'il ne connaissait pas. Aujourd'hui, il
s'en sert couramment. «C'est un outil fort utile pour modeler les pièces de
façon précise.»
Lorsqu'il est entré à l'Université à titre de magasinier du Département
de chimie, en 1967, Réal Dubuc ne se doutait pas que son parcours allait
être bouleversé. Sa rencontre avec Richard Desnoyers, professeur à cette
époque, a tout changé pour lui. «Il m'a parlé du métier et m'a prêté un
livre sur le sujet. J'ai appris toutes les techniques par moi-même au cours
de mes soirées pendant quatre ans. Depuis, je n'ai jamais arrêté.
L'université est le meilleur milieu de travail pour un souffleur de verre.
Ce n'est jamais routinier et on apprend continuellement.»
Probablement le plus expérimenté des souffleurs de verre québécois, Réal
Dubuc détient sa propre entreprise. Des industries et des laboratoires ont
recours aux services de son atelier, où il donne aussi des formations. Celui
qui offre de son temps bénévolement aux quatre coins de la planète pour
transmettre le métier pense que trop peu d'efforts sont investis pour
assurer la relève de chez nous. «Les emplois sont rares et les souffleurs se
protègent. Mais comment s'assurer que notre métier survivra si personne ne
se préoccupe de le transmettre?» Réal Dubuc compte bien réaliser des œuvres
artisanales, notamment de la sculpture sur verre. Mais ce projet, il le
garde pour la retraite. En attendant, le souffleur ne chôme pas. Il songe
déjà à son prochain voyage. «Ce sera probablement le Cameroun, dans deux
ans!»
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Réal Dubuc est probablement le plus expérimenté des souffleurs de
verre québécois.
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