Liaison, 8 avril 2004
Pourquoi les russes sont-ils si forts en maths?
SÉbastien LabbÉ,
étudiant en mathématiques
Si vous m'aviez demandé avant de partir pourquoi j'avais choisi
d'étudier à Moscou, je vous aurais dit que la Russie est une puissance en
mathématiques et que plusieurs mathématiciens renommés ont émergé du
système russe durant le XXe siècle. Je vous aurais peut-être aussi raconté
quelques rumeurs concernant la qualité de l'enseignement des maths en
Russie. Bref, je n'aurais eu que des clichés pour vous. Maintenant, j'ai
mieux à vous offrir. Je déchiffre la démonstration de ces faits depuis
deux mois. Je suis donc au beau milieu de la preuve et je m'arrête pour
résumer ce que j'ai vu et compris.
L'Université indépendante de Moscou (UIM) est un petit établissement
axé sur les mathématiques. Fondée en 1991 à l'initiative d'un groupe de
mathématiciens et de mathématiciennes russes renommés, elle a récemment
créé un nouveau programme à l'intention des étudiantes et étudiants
étrangers. Elle accueille présentement sa cohorte la plus nombreuse. Les
cours sont donnés en anglais durant la journée pour les 20 étudiants
étrangers et en russe durant la soirée pour environ le même nombre
d'étudiants russes.
Situé à deux stations de métro du Kremlin, le bâtiment de quatre étages
qui loge l'UIM semble plus petit que le Marie-Victorin de l'UdeS. En y
entrant, on réalise qu'il est beaucoup plus vieux que l'université
elle-même. La porte extérieure ferme mal, les tuiles du plancher se
déplacent, Internet est en noir et blanc. Ici, on a compris qu'on n'a pas
besoin de la chaise de l'année pour enseigner les mathématiques. Une école
de mathématiques se juge tout simplement à ses individus et leurs
méthodes.
L'enseignement des mathématiques à l'UIM est différent de celui auquel
je suis habitué. L'interaction des étudiants encouragée par les
professeurs est la principale raison. Au Québec, si je dors (les yeux
fermés ou pas) dans une classe, personne n'en fera de cas. Très souvent,
je me dis que je vais comprendre la notion expliquée au tableau un autre
jour par moi-même. À Moscou, je frappe un mur. Je me surprends à dire au
professeur que je comprends pour ne pas ralentir la classe alors que c'est
faux. Je dois modifier mes habitudes. Le professeur russe lit dans mes
yeux, il tient à ce que je comprenne maintenant. Par la suite, une fois
que les étudiants sont adaptés, la classe devient un merveilleux lieu
d'échanges d'idées. Le professeur se fait plus discret. Il dirige le
groupe vers le prochain théorème à démontrer.
Tallin-Neitsitorn et le clocher de l'Église Saint-Nicholas. |
L'Université indépendante de Moscou. |
Retour à la une
|