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Liaison, 18 mars 2004
L'ordinateur du futur
Alexandre Blais cherche à concevoir un ordinateur au fonctionnement
complètement nouveau, aux multiples possibilités et d'une extrême puissance.
Les recherches de ce diplômé de la Faculté des sciences lui ont valu
plusieurs prix. En septembre, le magazine Mclean's le désignait comme l'un
des 50 Canadiens de moins de 30 ans qui «sont en train de changer le monde».
En février, il recevait un prix du vice-rectorat à la recherche pour la
meilleure thèse de doctorat, et tout récemment, le Conseil de recherches en
sciences naturelles et en génie lui décernait l'un de ses prestigieux Prix
de doctorat.
CATHERINE LABRECQUE
Après avoir étudié du baccalauréat au doctorat au Département de
physique, Alexandre Blais a joint en janvier 2003 les rangs d'un groupe de
recherche spécialisé en physique de la matière condensée à l'Université
Yale, où il effectue son postdoctorat. Au cours de ses études de maîtrise et
de doctorat sous la direction d'André-Marie Tremblay, professeur de
physique, et de Serge Lacelle, professeur de chimie, Alexandre Blais s'est
intéressé à l'informatique quantique. Son doctorat portait plus
particulièrement sur des questions à la frontière entre les aspects
physiques et algorithmiques de l'informatique quantique.
À l'Université Yale, Alexandre Blais travaille en étroite collaboration
avec un groupe d'expérimentateurs à la réalisation d'un nouveau prototype
d'ordinateur quantique. «En plus d'être prometteur pour le calcul quantique,
ce nouveau design est particulièrement intéressant puisqu'il présente de
très fortes analogies avec un système étudié dans un contexte complètement
différent en physique : l'électrodynamique quantique en cavité. Il nous
permet de faire des ponts entre différentes branches de la physique.» Il
admet qu'un des principaux défis est de développer des systèmes réalistes
que les expérimentateurs peuvent vraiment tester au laboratoire.
Décoder des messages secrets
Fort différents des ordinateurs classiques, les ordinateurs quantiques
pourraient offrir plusieurs avantages. «D'une façon générale, ils seraient
idéaux pour la recherche en physique et en chimie. Un ordinateur quantique
pourrait aussi factoriser efficacement des nombres entiers et chercher
rapidement dans des bases de données. Plusieurs codes cryptographiques sont
basés sur la difficulté de factoriser. Un ordinateur quantique serait donc
un outil idéal pour briser des messages secrets. Des progrès récents dans le
domaine des algorithmes quantiques laissent en effet croire qu'un ordinateur
quantique pourrait briser la plupart des codes cryptographiques. On comprend
donc l'intérêt que portent certaines agences gouvernementales aux
ordinateurs quantiques.»
Quand on demande à Alexandre Blais la différence entre un ordinateur
classique et un ordinateur quantique, il explique que les ordinateurs
actuels sont basés sur les lois de la physique classique, tandis qu'un
ordinateur quantique exploite des caractéristiques quantiques pour exécuter
certains calculs avec une extrême vitesse. «Par exemple, un transistor
quantique dans un ordinateur déterminé peut être dans plusieurs états à la
fois, ce qui permet à l'ordinateur de réaliser simultanément plusieurs
calculs. L'augmentation de la puissance de l'ordinateur est possible grâce à
ce phénomène.»
Selon Alexandre Blais, l'ordinateur quantique ne remplacera pas
l'ordinateur classique. «En pratique, les ordinateurs quantiques risquent
d'être beaucoup plus efficaces que les ordinateurs classiques pour un petit
nombre de problèmes. On peut donc imaginer que l'ordinateur classique
transfère certains calculs à un «coprocesseur» quantique lorsque c'est
nécessaire. On bénéficierait ainsi à la fois des qualités de l'ordinateur
classique et de l'ordinateur quantique.» Même si les recherches progressent
dans le domaine de l'information quantique, la possibilité d'utiliser un tel
ordinateur n'est pas pour demain. «Le plus grand défi pour la réalisation de
l'ordinateur est la fragilité des effets quantiques. Malheureusement, il est
très difficile de préserver ces effets sur une longue période. Il faut donc
trouver une manière de les prolonger assez longtemps pour réaliser les
calculs voulus.» Pour effectuer de telles recherches sur un domaine de
pointe, Alexandre Blais doit se montrer très créatif : «On tente d'inventer
un nouveau type d'ordinateur et il n'y a pas de manuel d'emploi, tout est à
imaginer!»
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Alexandre Blais, diplômé du doctorat en physique en 2002, a obtenu
l'un des quatre Prix de doctorat décernés aux meilleurs étudiants
qui terminent leurs études de doctorat en sciences ou en génie dans
une université canadienne. Chaque lauréat reçoit une médaille
d'argent et une bourse de 10 000 $.
Photo SSF : Roger Lafontaine |