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Liaison, 4 mars 2004
Retour aux sources
Le 23 février 1954, le projet de loi visant la création d'une université
à Sherbrooke était approuvé par l'Assemblée législative du Québec, l'ancêtre
de l'Assemblée nationale. Cinquante ans plus tard, une délégation formée de
quelque 70 dignitaires issus de la communauté universitaire et des divers
milieux en lien avec l'Université a effectué un «retour aux sources» afin de
commémorer l'événement. Menée par le recteur Bruno-Marie Béchard, la
délégation s'est rendue dans les principaux lieux qui ont vu naître et
grandir l'Université avant qu'elle emménage sur la Cité universitaire,
en 1959, soit l'Archevêché, le Séminaire, le Centre d'éducation des adultes
Saint-Michel, la Société d'histoire et l'Hôtel de ville.
CHARLES VINCENT
Le «pèlerinage» a débuté par une visite à l'Archevêché de Sherbrooke,
lieu même où fut prise la décision de créer l'Université de Sherbrooke, le
1er août 1953. Les visiteurs furent accueillis par Mgr André Gaumond, qui a
rappelé le contexte historique dans lequel l'Université a vu le jour,
corrigeant au passage la vision simpliste que l'on peut avoir de cette
période de l'histoire. «L'Université de Sherbrooke a été pensée et le projet
a pris forme à une époque que l'on identifie comme celle de la Grande
Noirceur, a-t-il indiqué. C'est incontestablement abusif de juger ainsi
cette époque. La preuve : elle a permis la mise sur pied d'une université
qui a jeté de la lumière dans l'intelligence d'alors et d'aujourd'hui.» Le
recteur a pour sa part rendu hommage à l'Église diocésaine et à l'Archevêché
pour avoir fait preuve d'audace en créant l'Université.
La délégation s'est ensuite rendue au Séminaire de Sherbrooke, autrefois
le Séminaire Saint-Charles-Borromée, qui donna naissance à l'Université et
où s'établirent à compter de 1954 le siège social de l'institution, la
Faculté des arts, la Faculté de commerce et l'Institut de pédagogie. Le
recteur du Séminaire de Sherbrooke, Jean-Marie Poiré, a indiqué que si la
paternité de l'Université revient à l'Archevêché, le Séminaire est quant à
lui la mère, «celle qui a porté l'Université, qui a veillé sur sa prime
jeunesse». En effet, comme l'a relevé Bruno-Marie Béchard, pour faire place
à l'Université, le Séminaire a accepté de perdre son identité en 1954 pour
ne la retrouver qu'en 1959, sous le nom de Séminaire de Sherbrooke. C'est
donc en ses murs que la toute première cohorte de l'histoire de l'Université
a été formée.
Le passage au Séminaire fut l'occasion de «ressusciter» le premier
recteur de l'Université, Mgr Maurice Vincent. Personnifié par le comédien
Jacques Jalbert, Mgr Vincent a expliqué qu'il était supérieur du Séminaire
depuis quatre ans lorsque, le 1er août 1953, Mgr Cabana le convoqua à
l'Archevêché en compagnie de l'abbé Maltais, préfet des études. Sur place,
les deux hommes trouvèrent en plus de l'archevêque les juristes Albert
Leblanc et Maurice Delorme. «J'eus la surprise d'apprendre, a-t-il confié,
que ces messieurs formaient l'embryon d'un comité secret voué à la création
d'une université à Sherbrooke, et que j'en faisais également partie.» Le
plan était simple. Pour gagner du temps, le Séminaire devait être converti
en Université et Mgr Vincent, en tant que supérieur, allait en devenir le
premier recteur. Il le fut jusqu'en juin 1955.
La délégation a ensuite cheminé vers le Centre Saint-Michel (CSM) qui,
de 1954 à 1957, a accueilli l'École de génie et l'École des sciences
expérimentales de la Faculté des sciences. À cette époque, le CSM abritait
l'École supérieure de Sherbrooke, qui sous l'égide de la communauté des
frères du Sacré-Cœur, offrait les cours de la première à la douzième ainsi
qu'une treizième année scientifique. «L'enseignement offert par l'École
supérieure était d'une qualité telle qu'en 1951, on commença à y donner des
cours de niveau universitaire en sciences, a indiqué le directeur adjoint du
CSM, Denis Bélanger. Ce furent les premiers cours universitaires donnés à
Sherbrooke.» Dans son allocution, le recteur Béchard a souligné le rôle de
précurseurs joué par les frères de la communauté du Sacré-Cœur. «Il leur
revient d'avoir jeté les bases de ce qui allait devenir ici même, en 1954,
la Faculté des sciences de l'Université de Sherbrooke.»
Parmi ces frères, il en est un qui s'est particulièrement illustré. Il
s'agit du frère Théode, lequel était présent lors du passage de la
délégation, sous les traits du comédien René Caron. Il a expliqué ce qui
l'avait poussé à créer une classe préuniversitaire : «J'étais scandalisé de
voir que les petits Canadiens anglais pouvaient rentrer à McGill après leur
cours secondaire, tandis que les Canadiens français étaient obligés de
s'inscrire dans les collèges classiques pour accéder à l'Université. Comme
les structures de l'époque étaient lentes à changer, j'ai décidé de passer
aux actes, aidé de mes confrères. En 1945, j'ai développé tout un programme
d'études avancées et créé une classe préuniversitaire qui unissait le cours
public et l'université.»
Plus tard, à la Société d'histoire de Sherbrooke, les membres de la
délégation ont appris que l'édifice avait hébergé la Faculté de commerce à
partir de 1958, du temps où se trouvait aux étages inférieurs la
bibliothèque municipale. «En 1957, l'affluence étudiante est telle que la
Faculté de commerce, située jusque-là au Séminaire, doit être accommodée au
2e étage du Pavillon des sciences, a expliqué le recteur. Mais la
progression est si accusée qu'il faut dès l'année suivante ramener la
Faculté de commerce au centre-ville, principalement à la Bibliothèque
municipale, et ouvrir des classes dans des locaux de fortune.» La situation
sera stabilisée deux ans plus tard, à la mi-septembre 1960, lorsque les
étudiants et les professeurs emménageront dans le pavillon de la Faculté,
sur le campus.
C'est à l'Hôtel de ville qu'a pris fin le retour aux sources, lieu où
logea pendant sept ans la Faculté de droit. À l'époque, l'endroit abritait
le Palais de justice et, comme l'a mentionné le juge Albert Gobeil, diplômé
de l'UdeS, c'était une véritable bénédiction pour les étudiants. «C'était
pour nous le paradis, a-t-il confié. Nous baignions littéralement dans le
droit et sa pratique : la tête dans la théorie jusqu'à dix heures et tout le
reste en pratique de plaidoirie, dans la salle tout à côté à partir de dix
heures. Nous avons trouvé ici des maîtres et des modèles.» «En cet ancien
palais de justice, a conclu le recteur, nous retrouvons le premier lieu
d'enseignement de notre Faculté de droit. Mais aussi un lieu d'avenir dans
sa nouvelle vocation de mairie, dans la mesure où nous faisons des
partenariats avec les citoyens de Sherbrooke.»
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Le retour aux sources a été l'occasion de réunir le frère Théode et
le premier recteur de l'Université de Sherbrooke, Mgr Vincent,
personnifiés par les comédiens René Caron et Jacques Jalbert.
Photo SSF : Roger Lafontaine
Dans chacun des lieux visités, le recteur a remis une plaque
commémorative. On le voit ici en compagnie de Mgr Gaumont,
archevêque de Sherbrooke.
Photo SSF : Roger Lafontaine |