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Liaison, 4 mars 2004

Nouveautés livres

Critique invitée : SIlvie Bernier
Conseillère à la recherche

Pan Bouyoucas, Anna pourquoi, Les Allusifs, 2003, 109 p.

Ce petit livre au titre intrigant s'apparente plus à une longue nouvelle qu'à un roman. Pan Bouyoucas qui a, par le passé, écrit quelques romans policiers, aime bien bâtir ses histoires autour d'une intrigue. Cette fois-ci, le mystère a pour décor l'île grecque de Leros dans la mer Égée en bordure de la côte turque. Conçue comme un huis clos, l'histoire met en scène trois personnages, deux nonnes et un diacre, qui se retrouvent au sommet d'une montagne dans une forteresse byzantine transformée en couvent. Le lieu totalement en retrait du village et où personne ne vient mis à part quelques pèlerins, a la réputation d'entraîner dans la folie ceux qui s'y risquent. Perchée au-dessus de la mer, la falaise pousse irrésistiblement les âmes en peine à plonger dans le vide.

Au moment où l'histoire débute, la forteresse est habitée depuis quatre ans par une religieuse qui vit dans une sérénité inhabituelle à ce lieu marqué par le mauvais sort. Mais cette tranquillité est rompue par l'arrivée d'une jeune novice mandatée par l'archevêque pour surveiller la religieuse et s'assurer qu'elle ne soit elle aussi happée par le vide. Peu après, c'est au tour du diacre, peintre incompris, de franchir le seuil de la forteresse pour tenter de vendre aux deux nonnes ses icônes religieuses. Pour lui venir en aide, Nicoletta, seule à reconnaître son talent, lui confie la restauration des fresques de l'église. Mais celle-ci s'aperçoit que la novice, Véroniki, et le peintre Maximos non seulement se connaissent, mais ont éprouvé l'un pour l'autre des sentiments amoureux. Pour une raison inconnue et qui le restera, Véroniki résiste à l'amour de Maximos qui trouve refuge chez son aînée. S'installent entre les personnages des relations ambiguës tantôt maternelles, tantôt amoureuses qui se dénoueront à la fin du récit sur un mode tragique.

On peut se surprendre du choix pour un auteur contemporain de cette histoire si éloignée de nos préoccupations séculières et urbaines. Mais il faut lire ce récit comme une fable teintée de tragédie grecque où les héros sont malgré eux prisonniers de leur destinée et du lieu qu'ils habitent. Il faut savoir que Pan Bouyoucas est né au Liban de parents grecs, et qu'enfant il a passé tous ses étés à Leros, l'île de ses ancêtres. Si cette île hante son œuvre et son imaginaire de ses paysages de mer et de montagne, l'auteur s'inspire également de la grande tradition de la tragédie grecque pour composer son intrigue et ses personnages. Et c'est pour moi l'intérêt de ce livre que de sortir le lecteur de sa réalité quotidienne, de le faire voyager dans le temps et dans l'espace par cette histoire qui parle d'art, de passion, de solitude et de marginalité. On sent chez le romancier une sympathie particulière pour le personnage de Nicoletta, cette religieuse de 50 ans, passionnée de cinéma qui ne le connaît pourtant que par les magazines que lui offre le cafetier du village, sceptique quant aux pouvoirs de l'icône miraculeuse de la Vierge à l'Enfant qu'abrite son église et qui, une nuit, pour consoler le diacre, contrevient à son vœu de chasteté. Ce personnage iconoclaste et épris d'art, reclus et pourtant d'une totale générosité, touche davantage que les deux autres. Mais le véritable héros de l'histoire, c'est l'île de Leros et sa forteresse suspendue au-dessus du vide. Par le pouvoir qu'il lui accorde, Pan Bouyoucas lui donne vie. Objet de peur ou de fascination, c'est l'île qui décide du sort des personnages.

Pan Bouyoucas a une écriture précise, simple et directe. Après avoir écrit plusieurs pièces de théâtre, des romans et des nouvelles, il semble avoir trouvé sa voie dans ce style de récit court qui convient bien à la sobriété de son écriture. Lui-même un tantinet iconoclaste, il aime briser les images quitte à être parfois irrévérencieux. J'ai noté à quelques reprises des changements de ton ou des niveaux de langage inappropriés comme cette réplique du diacre qui répond : «C'est en plein ça», une expression un peu trop québécoise dans un tel contexte. On aurait aussi aimé en savoir un peu plus sur les liens entre la novice et l'apprenti curé et la raison de leur rupture et de leur engagement religieux. Je reprocherais aussi à l'auteur l'extrait de l'autobiographie de Nicoletta qui arrive à la fin du récit, une solution un peu facile pour révéler les secrets de l'histoire. Mais mis à part ces quelques remarques, Anna pourquoi se lit d'un trait le temps d'un long bain ou d'un trajet d'autobus.

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