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Liaison, 19 février 2004

Courrier du lecteur

Lettre ouverte au recteur

Monsieur le recteur,

L'allocution que vous avez prononcée, lors de votre passage au Club Saint-James à Montréal, me laisse perplexe. Dans votre discours, vous rappeliez aux 200 convives du milieu des affaires l'une des caractéristiques de la «nouvelle université», à savoir «la réflexion et la distance critique». On ne pourrait qu'applaudir à cette assertion si vous ne la limitiez pas considérablement en insistant sur l'engagement de l'université à soutenir le démarrage d'entreprises, à favoriser les «partenariats» avec le privé et à «participer à la performance économique globale». À vrai dire, ce modèle d'université me semble singulièrement réducteur et dangereux, tout asservi qu'il est au monde de la finance et à l'entreprise privée. La nouvelle université, disiez-vous en effet, est «à la fois apprenante, entreprenante et… collaborante». Pareilles courbettes devant le pouvoir économique, que vous louangez avec tant d'enthousiasme, confinent à la servitude. La fonction critique ne requiert-elle pas, aussi, un minimum de distance face aux priorités du marché et à la logique de profit?

Vos propos, qui poussent encore plus loin un mouvement amorcé sous votre prédécesseur, mettent à mon sens en péril l'université même, en tant qu'espace de pensée libre et autonome. Je suis inquiète face aux «changements» – le mot est à la mode – qui transforment de plus en plus «l'université en antichambre du marché du travail», pour reprendre une expression du sociologue Guy Rocher. De vos apparitions publiques et des récentes publicités se dégagent en effet une nette valorisation de la recherche à l'aune essentiellement de ses promesses de rentabilité économique et une réorientation de l'enseignement universitaire – la «formation», dit-on maintenant – vers la simple satisfaction des «besoins» du marché. Me semble aussi contestable cette association maintes fois remarquée dans les documents promotionnels entre «l'approche humaine de l'enseignement» et sa «dimension pratique», comme si la réflexion théorique et l'approfondissement conceptuel déshumanisaient l'enseignement.

Dans la même perspective, je m'inquiète de certaines orientations du plan d'action stratégique de l'Université, qui vise l'«accroissement du sentiment d'appartenance» en imprégnant «rapidement les nouveaux membres de la communauté universitaire de la culture de l'Université de Sherbrooke». Cet objectif, qui se manifeste par la réorganisation du Bureau des communications en un «service des communications» en expansion et par l'organisation d'événements divers, comme par exemple l'invitation lancée, il y a deux ans, aux étudiants et aux employés à entonner La chanson de l'appartenance, pousse à un degré inégalé le mimétisme à l'égard des pratiques de l'entreprise. La liberté académique et l'idéal de questionnement sur le monde ne sont que coquilles vides quand l'université est à ce point assujettie au prêt à penser et aux modes de fonctionnement du privé dans ce qu'ils ont de plus critiquable.

Je trouve dommage qu'obnubilée par la quête de «clientèles» et de capitaux qu'impose le financement des institutions d'enseignement supérieur, l'Université de Sherbrooke en vienne à occulter plusieurs de ses fonctions fondamentales. Le salut passe-t-il par une profession de foi en une conception utilitariste de l'université? À vous voir affirmer devant le Club Saint-James que l'audace, l'innovation, le pragmatisme et la coopération sont inscrits «dans l'ADN de l'Université» (!), j'ai bien l'impression que vous faites vôtres les discours creux des propagandistes de l'entreprise privée. En cette année de commémoration de la fondation de l'Université, je me permets de rappeler que la fonction critique nécessite le plus possible de liberté et d'indépendance face aux pouvoirs. Ne pas tenir compte de cette exigence revient à faire de l'université un outil de propagande des valeurs de performance, de concurrence et de rentabilité, ainsi qu'à légitimer et à perpétuer la domination des uns sur les autres.

Christine Hudon
Département d'histoire et de sciences politiques

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