|
Brunautrefois Coppenseignant
Bruno Coppens est humoriste. Le 10 février, il présentait
son dernier spectacle à la Salle Maurice-O'Bready, un spectacle intitulé
Bain zen, dans lequel il incarne un charlatan manipulé par un gourou
«metteur en zen». Bruno Coppens est à la Belgique ce que Sol est au Québec,
c'est-à-dire le spécialiste national des jeux de mots et des détournements
de sens. Sur l'invitation du professeur de didactique Olivier Dezutter, il
s'est rendu à la Faculté d'éducation, quelques heures avant son spectacle,
pour animer un atelier de créativité littéraire. Il a entretenu les futurs
professeurs de français au secondaire de l'importance de jouer avec les
mots. «La langue n'est pas à ce point sacrée qu'il est interdit de la
bouleverser, a-t-il lancé d'entrée de jeu. La langue est vivante. Elle est
là pour nous permettre de nous exprimer. D'exprimer nos idées, nos
sentiments.»
CHARLES VINCENT
Dans une vie antérieure, Bruno Coppens était professeur de
français au secondaire. Une profession qu'il n'a en quelque sorte jamais
vraiment abandonnée, comme en font foi son amour fou de la langue française
– qui transpire dans ses spectacles – et les ateliers d'écriture qu'il donne
un peu partout en Europe… et maintenant au Québec. «En invitant Bruno
Coppens, explique Olivier Dezutter, mon souhait était que mes étudiantes et
étudiants puissent découvrir des techniques différentes de travail sur la
langue. C'est ce que Bruno leur a présenté. Il leur a livré des idées très
concrètes et amusantes, des trucs pour mieux travailler avec les élèves et
pour les ouvrir à des usages créatifs du français, ce qui peut augmenter
leur intérêt pour cette matière.» Parmi les activités proposées par
l'humoriste, deux jeux, l'un portant sur les sigles et l'autre sur les sons.
Le jeu des sigles consiste à faire identifier par les
participants un sigle, n'importe lequel. Pour l'occasion, le sigle retenu
fut l'UdeS, suggéré avec enthousiasme par l'un des étudiants. Les
participants doivent ensuite noter rapidement les mots qui leur viennent à
l'esprit lorsqu'ils s'imaginent – dans ce cas-ci – l'institution derrière le
sigle. Ensuite, il faut évaluer «l'humeur» qui se dégage de la liste.
Est-elle plutôt positive ou plutôt négative? Finalement, les participants
doivent trouver pour chacune des lettres du sigle un mot commençant par
cette lettre et qui cristallise cette humeur. Ainsi l'UdeS est devenue pour
une étudiante, l'Unité Dynamique de Savoirs, pour un autre, l'Ultime
Débauche Savoureuse, «la dernière chance de réelle débauche avant la vraie
vie».
Le second jeu proposé par Bruno Coppens, celui des sons, s'est
avéré très amusant. Il consiste à fusionner deux mots de manière à créer de
nouvelles entités linguistiques. Seule règle à respecter : la sonorité de la
fin de l'un doit correspondre à la sonorité du début de l'autre. Dans ce
cas-ci, Bruno Coppens a demandé aux étudiantes et étudiants de fusionner des
noms d'animaux avec des moyens de locomotion. Ainsi ont été créés des
saumontgolfières, des wapititanic, des kangouroulottes et des girafusées.
«Dans le cadre d'une activité d'enseignement, a indiqué l'humoriste aux
futurs enseignants, l'exercice peut être jumelé à la rédaction d'un carnet
d'explorateur dans lequel les élèves seraient invités à décrire chacun de
ces animaux exotiques.»
En conclusion à l'atelier, Bruno Coppens a livré un plaidoyer
en faveur de la créativité littéraire qui, selon lui, est trop souvent
négligée dans les activités d'enseignement. «Il existe à mon sens trois
règles à considérer en cette matière, a-t-il lancé. L'exercice doit être
opéré dans un contexte concret. L'écriture est un moyen et non une fin en
soi. En ce qui me concerne, la première fois que je m'y suis adonné, c'était
pour un motif très concret : c'était pour déclarer mon amour à quelqu'un.
Ensuite, il faut seconder les élèves dans le processus créatif. Il ne faut
pas les laisser seuls devant la page blanche. Finalement, il est important
de coter ce genre d'exercice. Une tâche qui n'est certes pas facile, mais
dont le prof peut s'acquitter ainsi : il évalue le respect des contraintes
et laisse aux autres élèves le soin de juger de la créativité.»
À propos des problèmes de français des jeunes, Bruno Coppens
est d'avis qu'il ne faut pas bloquer la créativité en imposant d'abord
l'orthographe et la grammaire : «Il faut donner priorité aux sentiments,
dit-il. On s'attaquera à l'orthographe après.»
Retour à la une |