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Liaison, 5 février 2004
Encore plus important que chez les adolescents
Le suicide chez les personnes âgées
NADINE FORTIN
Au Québec, le taux de décès par suicide des personnes âgées de 65 ans et
plus a augmenté de 85,4 % entre 1977 et 1999. Cette croissance s'est
produite malgré l'amélioration des conditions de vie et de santé des
personnes âgées. Les experts estiment que le nombre de suicides augmentera
de 248 % d'ici 2043!
Ces chiffres proviennent d'une étude menée par des chercheurs du Centre
de recherche sur le vieillissement de l'Institut universitaire de gériatrie
de Sherbrooke et de l'Université de Montréal.
Michel Préville, chercheur au Centre de recherche et professeur à
l'Université, a dirigé le projet : «Au cours des dernières années, peu
d'efforts ont été consacrés à la prévention du suicide chez les personnes
âgées en comparaison des efforts consacrés à la prévention du suicide chez
les jeunes.» Or, entre 1996 et 1999, le taux moyen de suicide chez les
65 ans et plus était 30 % plus élevé que chez les 10-19 ans. «La société,
les professionnels de la santé, la famille et les personnes âgées
elles-mêmes considèrent les idées suicidaires comme un phénomène normal dans
le processus de vieillissement, constate le professeur. Quand une personne
âgée parle de la mort, rarement y voit-on autre chose que des mots sans
conséquence. Par contre, lorsque les jeunes parlent de mort, aussitôt
apparaît l'image du suicide.»
Par ailleurs, l'étude révèle que 75 % des personnes âgées décédées par
suicide avaient exprimé des idées de mort ou montré un comportement
suicidaire au cours des six mois qui ont précédé leur suicide. Ce résultat
suggère que les membres de la famille et les amis pourraient jouer un rôle
important dans la prévention du suicide en encourageant leurs proches à
discuter de leurs pensées suicidaires avec un professionnel de la santé.
L'étude, qui portait sur les facteurs associés au suicide des personnes
âgées, dégage d'autres constats. Les personnes âgées décédées par suicide ne
présentaient pas plus de problèmes chroniques de santé que les sujets du
groupe témoin. Six mois avant leur décès, les aînés décédés par suicide
avaient un meilleur niveau d'autonomie fonctionnelle que les personnes âgées
décédées par suite d'autres causes. Cependant, les personnes âgées décédées
par suicide présentent un plus grand risque de troubles psychiatriques. En
général, les personnes âgées consultent leur médecin de famille pour leurs
problèmes de santé mentale plutôt que tout autre professionnel de la santé.
Par conséquent, les chercheurs suggèrent que des efforts soient faits pour
aider les omnipraticiens à mieux dépister les troubles psychiatriques chez
les personnes âgées, notamment la dépression.
Selon Michel Préville : «Bien que les médecins puissent jouer un rôle
très important dans la réduction immédiate du risque de suicide, ils
représentent uniquement le point de départ d'une intervention qui doit viser
à réduire, à plus long terme, la vulnérabilité des personnes âgées
suicidaires. Il serait erroné de croire que le traitement pharmacologique
d'un problème psychiatrique, qui accompagne souvent la crise suicidaire
telle la dépression, soit suffisant. Nos résultats montrent que seulement
29,5 % des cas de suicide avaient visité un psychologue ou un travailleur
social durant les six mois précédant leur décès.»
L'ensemble des résultats, qui ressortent de cette étude, amène le
chercheur à demander au ministère de la Santé et des Services sociaux de
réviser sa stratégie québécoise d'action face au suicide en tenant compte de
ces nouvelles données. Il profite de la Semaine nationale de prévention du
suicide pour recommander trois actions : la désignation des personnes âgées
comme un des groupes cibles prioritaires, le développement d'une action
préventive s'adressant à l'entourage des personnes âgées suicidaires et
l'amélioration de l'accessibilité à des services de santé mentale pour les
personnes âgées présentant un risque de suicide.
Michel Préville présentera les résultats de cette étude dans le cadre
d'une conférence scientifique organisée par le Centre de recherche sur le
vieillissement, le 25 février à 12 h 30 à la salle 2458 du Centre de
recherche de l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke. Ces
rencontres s'adressent aux professionnels de la santé, aux chercheuses et
chercheurs ainsi qu'aux étudiantes et étudiants. Renseignements :
(819) 829-7131.
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Michel Préville, chercheur au Centre de recherche sur le
vieillissement de l'Institut universitaire de gériatrie de
Sherbrooke et professeur à l'Université.
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