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La passion des flocons
CHARLES VINCENT
Pour plusieurs d'entre nous, l'hiver est un véritable calvaire. Trottoirs
glacés, entrées de cour à déneiger, conditions routières hasardeuses, autant
de soucis qui empoisonnent la vie. Pour Hardy Granberg, professeur au
Département de géographie et télédétection, il en va tout autrement. L'hiver
est pour lui un moment de pur bonheur. Spécialiste de la modélisation
spatiale des propriétés de la neige, ses recherches l'ont amené à fouler des
régions où l'hiver est maître et roi, dont la Scandinavie, le Grand Nord
canadien et l'Antarctique, avec chaque fois la même quête, celle d'observer
les particularités de ces flocons blancs et légers que l'on appelle or
blanc.
Hardy Granberg a toujours été fasciné par la neige. Enfant, il pouvait
jouer des heures et des heures sur les congères du petit village suédois où
il a vu le jour. Très souvent, on le voyait enfiler ses raquettes pour
«prendre le bois» ou partir en ski de fond dans les sentiers tout blancs.
Plus tard, à l'Université de l'Umea, il a pris la décision de faire de cette
passion un objet d'étude, son objet d'étude. Dans le cadre d'un baccalauréat
en géographie, il s'est penché sur les rapports entre le microclimat et la
fonte du couvert nival. C'est d'ailleurs au moment même où il mettait le
point final à son étude qu'on l'informa que des professeurs de l'Université
McGill, au Québec, cherchaient des gens pour mener des études sur la neige.
Hardy Granberg sauta sur l'occasion.
C'est donc à la station météorologique de Schefferville que le jeune
Suédois fit ses premières armes dans l'univers scientifique québécois.
Étudiant à la maîtrise, sa tâche était alors de comprendre comment la
topographie et la végétation influencent la répartition de la neige. Aux
prises avec des difficultés d'extraction dans les zones de pergélisol, la
compagnie minière Iron Ore souhaitait connaître les secteurs affectés par
celui-ci pour mieux les éviter. La neige agissant comme un isolant, il
importait de prévoir où, année après année, elle allait s'accumuler pour
savoir où creuser à moindre coût. C'est ainsi que Hardy Granberg créa l'un
des premiers systèmes d'information géographique à être utilisés
industriellement. Sa carrière était lancée.
Une avalanche d'expéditions
Engagé comme professeur au Département de géographie et télédétection de
l'Université en 1986, Hardy Granberg a depuis organisé de nombreuses
expéditions dans des contrées enneigées. À trois reprises, il s'est rendu en
Antarctique. La première fois, c'était en 1989 dans le cadre d'une
expédition finlandaise dont la mission principale était d'étudier les glaces
marines. Il répéta l'expérience à deux reprises avec un groupe d'étudiants
québécois et finlandais. Entre temps, en 1994, il avait déjà emmené des
étudiants en Islande, ce tout petit pays situé à proximité du cercle
polaire. À plusieurs reprises également, le professeur a mené des recherches
en Finlande, pays avec lequel il entretient des relations privilégiées.
Il ne faudrait pas croire qu'Hardy Granberg boude nos bancs de neige.
Bien au contraire. Au cours de sa carrière, il s'est rendu de nombreuses
fois à Schefferville, la plupart du temps pour diriger les travaux
d'étudiants. Il y pilotera d'ailleurs une nouvelle expédition en mars.
Depuis quelque temps, également, le professeur travaille de concert avec les
gens du parc national du Mont-Mégantic pour mieux comprendre les raisons qui
font de cet endroit le plus enneigé du sud du Québec. Depuis l'automne, il
dirige les travaux d'étudiants qui cherchent à expliquer la variation
spatiale et temporelle du couvert de neige sur l'ensemble de ce territoire.
Les données colligées permettront notamment d'améliorer les services
récréotouristiques.
La grande aventure des flocons
«C'est toujours un plaisir pour moi de parler de neige», explique Hardy
Granberg. Et ça paraît! Il en parle avec aisance et satisfaction, comme s'il
nous entretenait d'un vieil ami qu'il connaît presque par cœur à force de
l'avoir longtemps côtoyé. «Les gens ignorent que la plupart des
précipitations de la planète commencent sous forme de neige, là-haut dans
l'atmosphère, et que les flocons qui tombent sur nos têtes ont dégringolé
pendant près de 10 km, commence-t-il. C'est absolument magique! À cette
altitude, le flocon n'est en fait qu'une petite plaque formée de
gouttelettes d'eau. C'est en descendant, lorsque les extrémités gèlent,
qu'il acquiert sa forme cristalline typique.»
Hardy Granberg avoue bien candidement ne pas être comme tout le monde.
«Les gens trouvent ça étrange quand ils me voient sortir une loupe de ma
poche pour scruter dans les moindres détails un flocon qui vient de se poser
sur mon manteau, explique-t-il. Je peux les comprendre. Mais en fait, je
vous dirais, faites-le. Essayez-le! Vous allez voir, c'est absolument
fabuleux. Il n'y a pas sur terre deux flocons identiques.» Peut-être, en
effet, ceux pour qui l'hiver est un calvaire devraient s'adonner à
l'observation des flocons. Ça ne leur fera sans doute pas aimer l'hiver du
jour au lendemain, mais ça pourrait contribuer à ajouter un peu de magie à
la saison froide.
Photo SSF : Roger Lafontaine
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