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Enseigner à la sherbrookoise
CATHERINE LABRECQUE
Des milliers de kilomètres d'eau et de terre séparent Sherbrooke et le
Mali. Pourtant, pour des élèves et des enseignants du Mali, Sherbrooke n'est
pas si loin puisqu'ils vivent quotidiennement les retombées concrètes du
passage d'étudiantes et d'étudiants en éducation de l'Université dans
quelques-unes de leurs écoles. Les enseignants maliens peuvent s'inspirer de
leurs méthodes d'apprentissage pour enseigner à la sherbrookoise, tandis que
les élèves maliens pourront bientôt poursuivre leur formation dans de
meilleures conditions, grâce à la générosité des étudiantes et étudiants de
l'Université. Ces derniers ont en effet remis aux Maliens les fonds amassés
pour leur voyage, un montant qui servira à engager des enseignants.
Jusqu'à maintenant, Julie Lane, chargée de cours en éducation, a organisé
deux séjours de stage au Mali. Former des futurs enseignants qui auront des
connaissances interculturelles fait partie de ses motivations. Le premier
voyage au Mali a eu lieu en 2000. Une vingtaine d'étudiantes et d'étudiants
ont participé à ce séjour, qui comptait pour le Stage motivation et gestion
de classe. L'aspect positif de la coopération internationale n'a pas tardé à
se concrétiser : «En décembre 2002, à l'aide de fonds restants du projet
Mali 2000, nous avons payé le séjour d'un mois à Sherbrooke à une
enseignante malienne. Elle a assisté à des cours à l'Université et visité
certaines écoles de la région. Elle a ainsi pu accéder à une autre réalité
afin de s'en inspirer pour l'enseignement au Mali», explique Julie Lane.
Un don de 14 000 $
Le stage s'est répété en 2003, alors qu'une quarantaine d'étudiantes et
d'étudiants ont enseigné dans les classes d'un petit village du Mali.
Plusieurs activités de financement ont été organisées pour ce séjour : vente
de café et de colliers, souper-cinéma et souper africain. «Plusieurs
subventions demandées avant le séjour en 2003 sont arrivées après le retour.
Les étudiantes et étudiants avaient le choix de partager entre eux le
montant de 14 000 $ ou de le donner aux Maliens sous une forme quelconque.
Ils ont opté pour la deuxième option en témoignage de toute la
reconnaissance et de la gratitude qu'ils ont envers les gens qu'ils ont
côtoyés l'an dernier. Une réciprocité s'est installée entre les deux
nationalités. Avec ce montant, il serait possible de payer quatre salaires
d'enseignants pendant neuf ans», explique Julie Lane.
Un mois en coopération internationale au Mali, ce n'est pas un voyage
comme les autres. «Avec l'idée de voyager vient l'attente de voir de beaux
paysages. Sur place, on se demande : Où trouver la joie attendue? La réponse
est simple : en parlant avec les gens du milieu», raconte Julie Lapointe.
Afin de faciliter leur insertion, les voyageurs étaient jumelés à un
enseignant Malien et ont vécu dans des conditions hors de l'ordinaire. Dans
le petit village de Sanankoroba, l'enseignement s'effectue dans des classes
surpeuplées d'élèves dont le degré de scolarité varie entre la 4e et la 9e
année. Le Mali possède un très faible taux de scolarisation. En 1989, il ne
dépassait pas 27 % pour les garçons et 16 % pour les filles. Les habitants
du village vivent sans électricité ni eau courante et la température peut
atteindre 45 °C.
Des comptines pour mémoriser
Pendant les premiers jours en classe, les étudiantes et étudiants
devaient analyser les caractéristiques du milieu scolaire malien et les
stratégies d'enseignement utilisées. À la lumière de cette analyse, chacun
planifiait un projet répondant aux besoins identifiés, témoignage de la
vision de la coopération internationale qui sous-tend l'importance de tenir
compte des besoins du milieu. «J'ai notamment perçu que l'enseignement
pouvait être davantage rattaché à des exemples concrets. Par exemple, en
géométrie, la notion de parallèle peut se visualiser en pensant à un pont»,
explique Myriam Poisson.
D'autres étudiantes et étudiants ont découvert que l'enseignement ne
laissait que peu de place à l'aspect ludique. «Les élèves sont habitués à la
mémorisation systématique. Lorsqu'on leur apprend des notions à l'aide de
comptines, ils deviennent émerveillés! Par ailleurs, ils peuvent comprendre
davantage la notion de courant électrique s'ils se tiennent par la main et
exercent une pression à la chaîne.» Parmi ceux qui ont effectué un séjour au
Mali en 2003, cinq étudiantes repartiront en avril 2005, cette fois pour
coordonner les activités d'une quarantaine d'autres étudiants. La hâte est
plus que palpable. «On ne se peut plus», lancent-elles unanimement. En
attendant, beaucoup de préparation est au programme, dont des cours pour
perfectionner le bambara, la langue des Maliens.
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