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Liaison, 22 janvier 2004
Bon pour le cœur, la campagne?
L'air pur de la campagne préserve-t-il le coeur de l'infarctus? Les
1,6 million de Québécois, soit 20 % de la population, vivant loin des
désavantages urbains tels que la tension et le stress qu'apportent les
heures de pointe, sont-ils davantage à l'abri d'être victimes d'une crise
cardiaque? Bref, y a-t-il un lien entre la ruralité et l'infarctus du
myocarde, communément appelé crise cardiaque? C'est ce que tente de savoir
Julie Loslier, médecin résidente en santé communautaire à la Faculté de
médecine. Elle est l'une des trois gagnantes du prix de la meilleure affiche
scientifique vulgarisée, décernée lors de la dernière Journée de la
recherche.
CATHERINE LABRECQUE
Comptant pour plus du tiers des décès, les maladies cardiovasculaires,
dont l'infarctus du myocarde est la plus importante, représentent la
première cause de mortalité et de morbidité au Canada, selon la Fondation
des maladies du cœur. La mortalité pourrait doubler d'ici 2018. Julie
Loslier se penche depuis un an sur tous les cas d'hospitalisation pour
infarctus survenus entre 1995 et 1997 au Québec. «Ce nombre est évalué à
1500 cas d'hospitalisation en Estrie et 35 000 cas au Québec. Mes recherches
visent à répondre aux questions suivantes : existe-t-il un lien entre la
ruralité et la survenue d'infarctus, sa prise en charge et les taux de
survie associés?», explique-t-elle.
Populations vulnérables
«Dans le Programme national de santé publique 2003-2012, l'état de santé
des populations vulnérables est au centre des préoccupations en matière de
politique sanitaire, et les habitants des régions rurales figurent aux rangs
des populations défavorisées en matière de santé. D'après nos observations,
les résidants des régions rurales sont défavorisés par rapport à ceux des
régions urbaines en ce qui a trait à l'éducation, à l'occupation, au chômage
et au revenu», poursuit Julie Loslier.
On peut supposer que les personnes qui disposent d'un faible revenu
risquent davantage d'avoir une moins bonne alimentation et des conditions de
vie plus difficiles. De plus, les populations rurales auraient une attitude
différente à l'égard du système de santé. Elles consulteraient moins les
services médicaux pour les mêmes besoins : «Il a été démontré qu'il existe
une forte corrélation entre l'accessibilité à des services de santé et
l'utilisation de ces services. Dans les régions rurales, le ratio patients
et médecins est inférieur. Les services médicaux et spécialisés ainsi que
certains services préventifs, comme les centres sportifs, sont moins
accessibles.»
Dans les recherches médicales sur la crise cardiaque, un intérêt
croissant est porté aux facteurs de risque autres que les facteurs
biologiques, comme un lien potentiel entre l'infarctus du myocarde et le
statut socioéconomique. Au cours des dernières années, de plus en plus de
scientifiques se sont penchés sur l'état de santé des populations
vulnérables. La future spécialiste en santé communautaire dit avoir un
intérêt particulier pour la santé des populations vulnérables, et les
populations rurales en font partie.
Près des services
Par ailleurs, les habitants de milieux urbains demeurent plus près des
services de santé. «Dans les endroits urbains où se trouve un centre
hospitalier tertiaire, la pratique de l'angioplastie, une intervention qui
doit être pratiquée le plus rapidement possible suivant l'infarctus du
myocarde, est disponible. Par conséquent, les populations éloignées de
centres hospitaliers qui offrent des services plus spécialisés sont
défavorisées par rapport à cette pratique», poursuit-elle.
Une grande partie des recherches de Julie Loslier relève du domaine
sociogéographique. Un des principaux défis a été de faire un choix parmi les
multiples propositions de définitions du terme «ruralité». La définition
qu'elle a choisie, soit la classification des secteurs statistiques de
Statistique Canada, propose deux niveaux d'urbanité et quatre niveaux de
ruralité. «Selon cette définition, en Estrie, Sherbrooke est considérée
comme une grande zone urbaine puisqu'elle a plus de 100 000 habitants, Magog
est une petite zone urbaine, et les régions limitrophes sont surtout
modérément rurales», révèle-t-elle.
Julie Loslier effectue ses recherches au sein de l'équipe de
Prévention/pratique, recherche et information en médecine de l'Université (PRIMUS),
sous la direction d'Alain Vanasse, professeur au Département de médecine
familiale, et de Théophile Niyonsenga, professeur associé au Département des
sciences de la santé communautaire.
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Julie Loslier, médecin résidente en santé communautaire, effectue
des recherches pour connaître le lien existant entre la ruralité et
les crises cardiaques. Photo Faculté de médecine :
Robert Dumont |