Liaison, 8 janvier 2004
Critique invité :
Normand achim
Technicien en documentation
Tom McRae : Just like blood – BMG 983512
Si
quelque chose m'étonne dans l'écoute musicale, c'est bien de saisir les
liens à travers tant de diversité. À ce jeu, j'ai découvert par moi-même
ce que d'autres savaient déjà, c'est-à-dire que la musique de Bruckner
faisait le lien entre celle de Schubert et de Mahler.
Bref, avec Tom McRae, j'entends la musique de Schubert. J'entends cette
plainte jouissive au diapason de la modernité. Son dernier opus intitulé
Just like blood nous amène bon gré, mal gré dans les méandres de l'âme
humaine avec une intensité peu commune. Ce joyau d'écriture tant
littéraire que musicale fait trembler par son intense fragilité.
Parfaitement aligné sur la constellation Nick Drake, Tom McRae nous
interpelle hardiment tout en se penchant sur les douleurs et les
vicissitudes humanoïdes.
Just like blood est par contre moins truffé de ces petits sons
quotidiens et extraterritoriaux que l'opus précédent, éponyme. Tout y est
plus direct, comme si le monsieur se sentait moins gêné, plus affirmé sans
que le doute disparaisse de son discours. Vous vous installerez dans son
univers pour y humer les odeurs de son intimité pour ne pas dire celles de
son confessionnal.
Dire que les Anglais paient 10 livres sterling pour l'entendre chanter…
C'est pas juste!
Joe Henry : Tiny voices – ANTI 86683
Voici de
la musique qui s'éclate tel un immense spleen libérateur.
Est-ce «Joe! Joe! Joe!» comme dans «Oh! Oh! Oh!»? Toujours est-il que
ce cousin de Oh Henry joue au Père Noël et livre la marchandise pour un 9e
disque.
Évidemment, il a fait beaucoup de chemin depuis ses débuts country/rock
en 1986. Il propulse, à l'exemple de Tom Waits, ses souches musicales des
plus américaines vers les sommets de la modernité. C'est de la musique
pour adulte et j'ajouterais consentant. Ce sont des rêveries du sud, des
éclats de jazz avec entre autres instruments, une clarinette fort
expressive qui vous transporte en Louisiane au petit matin.
Joe nous touche de plein fouet avec une écriture fine et moderne,
texturée d'éléments musicaux aux accents d'un cirque ambulant tel que nous
le propose la photo de la pochette. Il vous dira le plus sérieusement du
monde «I see in you an animal trace» et vous le croirez avec délectation.
Depuis la parution de l'éclectique Fuse en 1999 et du ténébreux Scar en
2001, Joe Henry s'est échappé du zoo musical collectif pour créer un
univers unique et précieux.
Les Trois Accords : Gros mammouth album – Phonoscope 01
D'emblée, à voir
la pochette que j'adore, je m'attendais à quelque chose de lourd. Eh bien,
la lourdeur vient sous les gros traits de l'humour, qui, on le sait, est
fort difficile à manier. Seule la musique allège ces chansons bon enfant,
vachement ado. On se croirait au sous-sol un vendredi soir à «Drummond» et
c'est probablement ce qu'ils voulaient. Bof! il en faut pour tous les
goûts.
Sauf que les drôleries viennent souvent tout foutre en l'air au
détriment de ce qui serait une très bonne chanson comme dans celle
intitulée Manon qui frappe en plein dans le mille avec son joli refrain à
la Beach Boys. Est-ce que tout cela n'est pas pour cacher la faiblesse des
voix ou un manque de confiance en leurs capacités? Aidez-moi à comprendre.
Ça me rappelle lourdement le côté roteux de bar de Desjardins que je
n'arrive pas à apprécier, peut-être, à sa juste valeur. Je vous concède
tout de même que la pièce Saskatchewan me semble être une réussite dans le
genre fais-moi-rire-gras attendrissant. Mais combien de temps peut durer
ce succès pour adolescent en perpétuel party?
Pourquoi gâcher son talent sur un album pour avoir du fun quand on peut
avoir du fun pareil?
Et talent il y a! J'ai quand même apprécié l'écoute tout en prenant un
coup de vieux.
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