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Liaison, 27 novembre 2003
Louis Taillefer comblé!
Au moment où le professeur de physique Louis Taillefer reçoit le prix
Marie-Victorin, soit la plus haute distinction du gouvernement du Québec
dans le domaine des sciences de la nature et du génie, son équipe de
recherche vient de recevoir l'équipement scientifique qu'elle attendait avec
impatience depuis un an. Arrivés le 13 novembre directement de Toronto par
camion et du Japon par bateau, des ordinateurs, deux fours, un
réfrigérateur, des pompes à vide, des microscopes, plusieurs métaux et
oxydes et de nombreux équipements de mesure sont sur le point d'être
déballés et installés à l'Université. Ce matériel représente pour Louis
Taillefer le début d'une ère nouvelle.
CATHERINE LABRECQUE
C'est lors d'une cérémonie tenue le 18 novembre, à Québec, que Louis
Taillefer a reçu le prix Marie-Victorin des mains du ministre du
Développement économique et régional, Michel Audet. Onze personnalités
scientifiques et culturelles ont alors reçu les récompenses constituant les
Prix du Québec. Louis Taillefer est le plus jeune de tous les lauréats des
Prix du Québec accordés jusqu'à ce jour. «Je suis très touché de recevoir ce
prix; il signifie que la société québécoise, par son gouvernement, reconnaît
la valeur de la recherche fondamentale.» Dans son cas, la recherche
fondamentale signifie l'exploration de la matière visant à connaître la
façon dont sont faits le monde et l'univers.
Le prix Marie-Victorin, qui honore le frère des Écoles chrétiennes que
l'on associe au réveil scientifique du Québec au début des années 1900,
s'adresse aux chercheuses et chercheurs de sciences pures et appliquées dont
les travaux ne relèvent pas du domaine biomédical. Les Prix du Québec sont
attribués chaque année pour rendre hommage à des scientifiques qui se sont
distingués par une carrière remarquable dans leur domaine d'activité ou
encore pour couronner une carrière dédiée à la gestion et au développement
de la recherche ou à la promotion de la science et de la technologie. Chacun
des lauréats reçoit une bourse de 30 000 $, une médaille en argent réalisée
par un artiste du Québec, un parchemin calligraphié et un bouton de revers
portant le symbole des Prix du Québec, une pièce de joaillerie exclusive aux
lauréates et aux lauréats.
Enfin déménagé!
Quand on lui
demande s'il est à Sherbrooke réellement pour de bon, Louis Taillefer
acquiesce : «Je ne compte pas quitter l'Estrie de sitôt. Le déménagement de
mon laboratoire constitue pour moi la fin d'une époque, et le début d'un
nouveau cycle. Je me joins à une équipe de neuf physiciens qui travaillent
en étroite collaboration, ce qui est une grande force. Je dois dire que j'ai
toutefois quelques craintes puisque le Département de physique est de taille
nettement sous-critique. Nous sommes dans une période en or dans le domaine
de la physique du solide et le Département doit avoir les moyens de jouer
pleinement son rôle de leader dans le domaine. Ce qui n'est pas le cas en ce
moment.» Louis Taillefer a voulu faire une transition en douceur entre
l'Université de Toronto, où il était en poste depuis 1998, et l'Université
de Sherbrooke, où il travaille depuis 2002. «Les étudiants de Toronto qui
font partie de mon équipe de recherche ont pu terminer leurs travaux de
laboratoire en utilisant notre équipement jusqu'à maintenant et ils
termineront la rédaction de leur thèse sous ma supervision d'ici mai 2004.
Mon nouveau laboratoire accueillera cinq ou six étudiants de maîtrise ou de
doctorat, deux ou trois chercheurs postdoctoraux et un technicien.»
L'équipement de son laboratoire, d'une valeur approximative de 2 M$, se
compose notamment d'un réfrigérateur à dilution : «C'est véritablement le
cheval de travail du laboratoire. Cet appareil permet de refroidir les
matériaux à une température très près du zéro absolu.» Louis Taillefer
utilise également deux fours spéciaux pour faire croître des cristaux. «On
fait fondre les oxydes dans un four à image, venu du Japon. On fait fondre
les métaux dans un four à arc, venu de Toronto. De la matière en fusion
émergent les cristaux qui sont à la base de toutes nos recherches»,
explique-t-il.
Les recherches de Louis Taillefer et de ses étudiants ont
permis deux récentes découvertes. La première concerne le domaine des
supraconducteurs à haute température. «La grande question dans ce domaine
est de savoir comment les électrons peuvent passer d'un état isolant, qui ne
conduit pas l'électricité, à un état supraconducteur, qui conduit
parfaitement l'électricité, en modifiant légèrement le nombre d'électrons
libres dans le matériau. Mon équipe a récemment découvert une phase
intermédiaire entre l'état isolant et l'état supraconducteur, ce qui ouvre
une nouvelle piste vers l'élucidation d'un des plus grands défis de la
science contemporaine. La deuxième découverte est reliée aux transitions de
phases quantiques. Au voisinage de la transition entre deux états différents
de la matière, comme un état magnétique et un état non magnétique, la
théorie conventionnelle des électrons échoue. Pour un explorateur de la
matière comme moi, à l'affût des comportements les plus inusités des
électrons, il s'agit d'une piste très prometteuse. Or un de mes étudiants
vient tout juste de découvrir un nouveau type de transition de phase
quantique. Nous sommes tous passionnément en train de l'étudier sous toutes
ses coutures!», ajoute-t-il. Les impacts de ce type de recherche sur les
matériaux quantiques pourront se voir à long terme : «L'informatique
quantique représente une des percées possibles. Basés entre autres sur des
supraconducteurs, les ordinateurs quantiques pourraient devenir les
ordinateurs du futur. Infiniment plus puissants que les ordinateurs actuels,
ils provoqueraient une révolution technologique.»
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Depuis quelques jours, Louis Taillefer a reçu les équipements qui
constitueront son laboratoire sherbrookois. Il s'installe pour de
bon à Sherbrooke, alors qu'il vient de recevoir le prix
Marie-Victorin dans le cadre des Prix du Québec, le plus prestigieux
prix décerné par le gouvernement du Québec dans le domaine des
sciences de la nature et du génie.
Photo SSE : Roger Lafontaine
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