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Les précieuses ridicules
Intemporelle superficialité
MARIE FERLAND
Le 9 décembre, la salle Maurice-O'Bready présente Les
précieuses ridicules, une farce brillante et corrosive de Molière, produite
par le théâtre du Nouveau Monde et mise en scène par Paul Buissonneau.
Il a monté des œuvres d'une multitude d'auteurs du répertoire
et pourtant, c'est la première fois que Paul Buissonneau s'attaque à
Molière. Étonnant, puisque les deux hommes ont à prime abord plusieurs
points communs : la verve, le sens de la répartie et du comique… S'il ne
s'est pas penché plus tôt sur l'œuvre du dramaturge, c'est qu'il croit qu'à
trop vouloir faire de la comédie, on s'en éloigne. Et faire rire pour faire
rire, il n'en a rien à faire! Mais rien à craindre, la mise en scène de Paul
Buissonneau s'éloigne en tous points de l'humour gratuit.
Laissez-vous transporter dans un univers où chacun des
personnages est éconduit, humilié, ridiculisé, bref, renvoyé à sa
superficialité. Rencontrez deux petites provinciales imitant bien
maladroitement les manières des grandes dames, alors qu'elles débarquent à
Paris en quête de princes charmants et de succès mondains. Assistez à la
série de quiproquos qui s'ensuit alors que les deux «intruses» refusent
d'épouser deux honnêtes prétendants au détriment de tapageurs galants
enrubannés qui sont (horreur!), les valets des premiers…
Pour porter à la scène cette comédie du genre humain, dans ce
qu'il a de faiblesses et de travers, le metteur en scène s'est entouré d'une
solide équipe d'interprètes : Marie-France Lambert (Magdelon), Valérie Blais
(Cathos) et France Arbour (Marotte), ainsi que Pierre Collin (Gorgibus),
Jean Marchand (La Grange), René Gagnon (Du Croisy), Stéphane Breton (Mascarille),
Denys Paris (Jodelet) et Claude Gai (Almanzor). Avec eux, Paul Buissonneau a
recherché la vérité dans chacune des situations, évitant le jeu comique,
lequel est venu de lui-même au fur et à mesure que les comédiens se
fondaient à la vie intérieure de leur personnage. Il en résulte bien
davantage qu'une comédie, mais une œuvre d'une superbe complexité.
Satire d'un mouvement intellectuel et artistique
propre aux salons parisiens du XVIIe siècle, hauts lieux des intellectuels
et artistes «branchés», Les précieuses ridicules est la troisième pièce de
Molière. Présentée pour la première fois le 18 novembre 1659, l'œuvre traite
des rapports de pouvoir que l'on retrouve à toutes les époques. La nôtre n'y
échappant pas, plusieurs d'entre nous devraient se reconnaître dans cette
peinture de mœurs aussi cruelle que comique.
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