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La double vie d'étudiants en génie mécanique
CATHERINE LABRECQUE
Du Département de génie mécanique, des étudiantes et étudiants mènent une
double vie. Ils poursuivent leur baccalauréat dans deux écoles situées sur
deux continents, étudient dans deux programmes similaires et obtiendront
en 2005 deux diplômes. La première cohorte du programme bidiplômant en génie
mécanique est constituée de cinq Français et de sept Québécois. De retour au
Québec depuis septembre, ils s'envoleront de nouveau à l'École d'ingénieurs
EPF en France, l'automne prochain. En arrimant deux programmes dans deux
systèmes d'éducation complètement différents, le Département de génie
mécanique de l'Université a réussi un véritable exploit et devient l'unique
département de génie au Québec à offrir un programme bidiplômant pleinement
intégré entre deux institutions.
Engouement pour l'international
Constatant l'engouement des étudiants à l'idée d'effectuer des sessions
d'études ou des stages à l'international, Denis Proulx, professeur de génie
mécanique et responsable du programme bidiplômant, s'est efforcé de bâtir un
programme qui comble l'attente. «Un vrai cauchemar! Deux années ont été
nécessaires pour réussir ce tour de force. Les systèmes d'éducation de la
France et du Québec sont, à la base, incompatibles. L'année scolaire en
France n'est pas divisée systématiquement en sessions comme au Québec. Elle
s'échelonne de la fin septembre à la fin juin. En plus, les deux programmes
n'offrent pas les mêmes cours», résume-t-il. Ce véritable casse-tête avait
amené Denis Proulx à abandonner ses démarches. Pure coïncidence, un
dirigeant de l'École d'ingénieur EPF, une école privée axée sur
l'international et située en banlieue de Paris, a entendu parler de la
réputation du système coopératif de l'Université de Sherbrooke et a voulu
arrimer son programme avec celui du Département de génie mécanique. «Avec
une administration plus flexible, l'École a accepté tous les compromis. Par
exemple, l'École d'ingénieurs devra littéralement bâtir le cours Projet de
conception. Afin que les étudiants puissent commencer leurs projets de
conception au Québec et le terminer en France, ils devront vraisemblablement
travailler sur des projets virtuels. Cela s'ancre de plus en plus dans la
réalité du travail international», explique Denis Proulx.
Le programme, actif depuis 2001, se déroule ainsi : une première année à
Sherbrooke, avec deux sessions d'études et une de stage, une deuxième année
en France, avec des cours, un stage et deux mois libres, une troisième année
à Sherbrooke avec deux sessions d'études et une de stage et une quatrième
année en France, avec des cours et un dernier stage. Ce cheminement
particulier permet aux étudiants de terminer leurs études en juin, soit six
mois avant ce que prévoit le cheminement coopératif de l'Université.
Ce programme n'est pas offert à tous les étudiants. «En plus de présenter
un excellent dossier scolaire, les étudiants doivent avoir une bonne
capacité d'adaptation pour rencontrer les exigences de l'École d'ingénieurs
EPF, qui demande une excellente maîtrise du français et de l'anglais, en
plus de la connaissance d'une troisième langue», souligne Denis Proulx.
Différentes méthodes d'apprentissage
Les principaux concernés affirment que la motivation s'avère
primordiale dans ce programme. «Nous avons plusieurs défis à relever. Par
exemple, pour nous trouver un stage, nous avons dû contacter nous-mêmes les
entreprises françaises, que nous connaissons très peu. Les stages ne sont
pas systématiquement rémunérés et la durée peut varier», explique Annie
Bourgeois, qui a fait son stage en gestion de projets, dans une petite PME
de Paris. Selon les étudiants, une grande différence entre les deux écoles
qu'ils fréquentent provient de l'approche éducative. «La formation à
l'Université de Sherbrooke est très pragmatique, tandis que l'École
d'ingénieurs EPF offre davantage une formation théorique. Nous avons suivi
notamment des cours théoriques de mathématiques. Nous ne pigions rien au
début!», s'amuse à dire Denis Beaulieu en prenant un accent français. Cette
première cohorte ne regrette certainement pas son choix de programme. «Nous
apprenons à apprendre. Nous serons certainement gagnants de cette nouvelle
forme d'apprentissage. En France, les professeurs forment notre esprit!»,
poursuit-il. Quant aux Français, ils avouent vivre un choc culturel en sol
Québécois : «Le Campus constitue une ville dans une ville! Nous ne sommes
pas habitués à voir autant de forêts et de grands espaces!», souligne
Philippe Pebay. «Les liens entre les étudiants et les professeurs sont
beaucoup plus familiers qu'en France», ajoute Romuald Mugnier. Chose
certaine, ce cheminement éclaircit leur plan de carrière : «Je rêvais d'une
carrière à l'international sans savoir ce que cela signifiait. J'en ai
maintenant une meilleure idée», note Annie Bourgeois. Où veulent-ils
travailler une fois le programme terminé? «Partout», est la réponse unanime.
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