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Liaison, 13 novembre 2003
La compétition
Psychologue invitée :
Mélanie Thibault
La compétition est-elle particulièrement présente chez les étudiants
universitaires?
La compétition est présente partout, pas seulement dans un contexte
universitaire. Elle vient du fait que plusieurs personnes cherchent à
obtenir un même avantage, avantage qui n'est pas disponible en assez grand
nombre pour que tous y aient accès. Vous n'avez qu'à penser à l'affichage
d'un nouvel emploi. Plusieurs personnes postulent ce poste et se
retrouvent en compétition, car un seul l'obtiendra. Dans de telles
conditions, les gens doivent se mesurer les uns aux autres pour tenter de
se démarquer et d'obtenir ce qu'ils veulent. Donc, la compétition est
inévitable et peut aussi être positive : elle pousse les gens à se
dépasser et à donner le meilleur d'eux-mêmes. Cependant, notre société
survalorise l'excellence et la performance, deux conditions qui favorisent
parfois une compétition exagérée. Dans un système où être le premier est
un but à atteindre pour être quelqu'un et être heureux, la compétition
peut devenir féroce. L'université n'y échappe pas, surtout que les gens
qui font des études supérieures sont des gens habitués à exceller et
stimulés par l'atteinte de buts élevés. Ce sont aussi des gens habitués au
succès. Il faut ajouter à cela que les programmes contingentés favorisent,
sans le vouloir, la compétition entre les étudiants. Lorsque les étudiants
savent que tous ne seront pas acceptés dans un programme ou n'auront pas
accès à un stage de leur choix, ils se battent encore plus fort pour
émerger de la masse et tenter par tous les moyens de surpasser les autres
afin de pouvoir accéder au programme de leur choix.
Quel est l'impact de la compétition sur les étudiants?
Comme je l'ai mentionné précédemment, la compétition peut être saine
lorsqu'elle nous pousse à nous dépasser : elle devient un stimulant et
nous permet de développer nos potentiels. Tant que cette compétition nous
sert à nous mesurer à nous-même, elle peut être source de développement
personnel. Les modèles sociaux d'excellence ont cependant un effet pervers
sur la compétition car beaucoup de gens en viennent à mesurer leur valeur
personnelle en fonction de leurs performances et non en fonction de ce
qu'ils sont. En soi, les études et le travail peuvent être de bonnes
sources de valorisation. Cela devient cependant problématique lorsque ça
devient la seule source de valorisation et qu'on a l'impression de perdre
notre valeur si les autres réussissent mieux que nous. Lorsque notre
valeur personnelle dépend uniquement de nos réussites universitaires, le
moindre échec peut devenir une source de détresse, car il porte atteinte à
l'estime de la personne. Aussi, certains étudiants en viennent à se
comparer beaucoup aux autres afin de vérifier s'ils sont à la hauteur.
Cela les rend anxieux et diminue leur confiance en eux, élément essentiel
à la réussite de leurs études. Ils perdent ainsi une grande somme
d'énergie à s'inquiéter de ne pas être à la hauteur, énergie qui n'est
plus disponible pour l'apprentissage. Le plaisir d'étudier diminue et les
collègues sont perçus comme des rivaux, ce qui peut affecter la qualité du
contact qu'ils ont avec eux. Une trop grande compétition peut aussi amener
les étudiants à travailler seuls pour ne pas risquer d'aider un autre
étudiant à mieux réussir. Cela peut les priver de la richesse apportée par
la collaboration et les échanges avec des gens qui partagent les mêmes
intérêts. L'objectif premier des études, qui est d'apprendre et de
développer des compétences est en partie perdu de vue et l'obtention de la
note maximale devient la priorité.
Qu'est-ce qui peut être fait pour aider les gens à vivre sainement
avec la compétition?
Lorsque la comparaison aux autres affecte notre estime de soi, il est
grand temps de se poser la question : pourquoi est-ce que je mesure ma
valeur en regardant les autres plutôt qu'en regardant ce que je suis? En
effet, les gens doivent reconnaître leur valeur personnelle en dehors de
ce que les autres font. Chacun de nous possède des forces qui lui sont
propres mais aussi des limites. Personne ne peut posséder toutes les
forces, il est donc normal que notre voisin ait parfois plus de facilité
que nous dans certains domaines. Il ne faut pas oublier que nous avons
aussi plus de facilité que lui dans d'autres sphères. Si vous vivez mal
avec la compétition, commencez par vous demander quelles sont vos forces,
identifiez-les. Vous pourrez alors miser sur ces forces pour atteindre vos
objectifs. N'oubliez pas non plus que votre valeur ne réside pas
uniquement dans ce que vous faites mais bien dans ce que vous êtes. Même
si vous ne réussissez pas un examen, vous ne perdez pas vos qualités
personnelles qui font de vous quelqu'un de valable et d'aimable. Il faut
aussi savoir que les études, ce n'est pas toute votre vie mais une partie
de votre vie. Il y a aussi vos relations, vos autres intérêts, le reste de
votre vie que vous avez bâti en dehors de vos études. Il est très
important de changer les perceptions selon lesquelles il n'y a rien en
dehors de la première place. Il faut parfois faire le deuil d'un idéal de
soi et s'accepter tel que l'on est. L'important est de faire de votre
mieux pour atteindre vos objectifs et surtout, n'oubliez pas que la
perfection n'est pas de ce monde!
En collaboration avec :
Le Service de psychologie et
d'orientation
Propos recueillis par
Charles Vincent
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