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La face cachée du droit et des biotechnologies
CATHERINE LABRECQUE
L'année dernière, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
lançait un appel aux autorités politiques, aux milieux industriels et
scientifiques afin qu'ils se penchent sur les questions relatives aux
dangers des biotechnologies. Fidèle à son dynamisme, la Faculté de droit a
été la première à répondre à cet appel. La proposition était de taille :
réunir des sommités internationales à Sherbrooke et tenir un colloque sur un
des enjeux les plus criants de l'heure, soit les biotechnologies et les
conflits armés. Le 28 octobre, a donc eu lieu le colloque international
Armes, biotechnologies et humanité. La Faculté s'est transformée en lieu de
discussions où plus de 150 participantes et participants des domaines
juridique, scientifique et éthique se sont penchés sur des questions comme
l'utilisation de la vaccination à des fins hostiles, la recherche qui peut
aboutir à des résultats imprévus, mais dangereux et des agents biologiques
qui pourraient détruire les productions agricoles et les infrastructures
commerciales.
Pourquoi à Sherbrooke?
Pourquoi tenir un colloque d'une telle envergure à la Faculté de droit?
«Cela reflète exactement ce que nous sommes, répond le doyen de la Faculté,
Louis Marquis. Nous travaillons de façon ardue pour offrir aux étudiants des
expériences hors du commun. Conjointement avec la Faculté des sciences, la
Faculté de droit offre le programme de droit avec cheminement en
biotechnologie. Unique au Canada, ce programme vise à mieux cerner les
problématiques soulevées par l'essor des biotechnologies. Nous sommes donc
déjà conscientisés à cette problématique.»
Selon France Mainville, le sujet des biotechnologies devrait être débattu
à l'échelle canadienne. «Cela permet de lancer un débat de société et
d'approfondir les liens avec le Comité international de la Croix-Rouge, avec
qui nous avons organisé le colloque», explique la directrice du Centre de
développement professionnel de la Faculté. Le colloque a été organisé de
concert avec les étudiantes et étudiants de la Faculté. Une trentaine
d'entre eux ont supporté la logistique et quatre remettront un rapport
synthèse au Comité international de la Croix-Rouge, à Genève. «Ce colloque
visait notamment à démontrer l'apport du droit dans les grands enjeux et
débats contemporains. Dans ce cas, le droit avait un rôle de leadership
davantage que de soutien aux autres disciplines», explique Sébastien
Lebel-Grenier, directeur du programme de droit transnational.
Pas de solution magique
Le colloque explorait trois aspects : la réalité de l'utilisation
offensive des biotechnologies, les défis posés par la recherche, et la
régulation des biotechnologies en vue du respect du droit international. «Le
colloque a permis de constater qu'il n'y a pas de solution magique pour
mettre fin aux utilisations néfastes des biotechnologies. Le rôle de
l'Université est de sensibiliser les étudiants afin qu'ils comprennent que
les résultats de leurs recherches peuvent être utilisés à des fins hostiles.
Par exemple, des chercheurs qui étudient un virus peuvent faire des
découvertes qui rendront service à l'humanité. D'un autre côté, il est
important de se demander si les souches de ces virus sont conservées d'une
manière sécuritaire. Il pourrait être alarmant que ces souches puissent
tomber entre des mains hostiles. Une fois les recherches en biotechnologie
aboutissant à des découvertes, les chercheurs doivent avoir le réflexe de se
propulser dans le temps et de réfléchir aux portées hostiles», affirme
France Mainville.
Quelles seront les suites du colloque? «Les contacts avec des
intervenants du CICR permettront éventuellement de faire venir à Sherbrooke
des experts dans le cadre du programme de droit transnational.» Sébastien
Lebel-Grenier travaille également au sein d'un projet avec le CICR qui vise
à établir des normes de conduite pour les scientifiques relativement à leurs
découvertes en biotechnologie. «Encore à l'état embryonnaire, un autre
projet consiste à faire de l'Université un laboratoire pour la mise en œuvre
de ces normes de conduite», explique-t-il.
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