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Liaison, 30 octobre 2003
Colloque au sommet
Vendredi soir, 12 septembre, sommet du mont Washington. Après une
ascension qui a duré quatre heures, les marcheuses et marcheurs se
rassemblent au refuge Lakes of the Clouds. Un premier conférencier prend la
parole. À plus de 1917 mètres d'altitude, sans électricité, il fera sa
communication à la chandelle. Les auditeurs l'écouteront perchés sur des
lits à étages, équipés de lampes frontales ou reclus dans la pénombre. En
tout, ils sont une trentaine de personnes, alpinistes, écrivains,
littéraires, pédagogues, étudiantes et étudiants, à participer au colloque
intitulé "Les voix de la montagne", organisé par Hélène Guy, professeure de
littérature à la Faculté d'éducation. Tous ont en commun une expérience
pratique de la montagne. Tous ont en commun une fascination pour l'espace
alpin, qu'il soit littéraire ou physique.
CHARLES VINCENT
Tenir un colloque universitaire au sommet d'une montagne. L'idée peut
paraître loufoque, mais quand l'objet même de ce colloque est la montagne,
elle paraît s'imposer d'elle-même. C'est du moins le pari qu'a souhaité
relever la professeure Hélène Guy, spécialiste en création littéraire qui
travaille actuellement sur les récits d'expédition. Et ce pari, elle l'a
remporté haut la main. Le colloque qui s'est déroulé au sommet du mont
Washington, dans l'État du New Hampshire, les 12, 13 et 14 septembre, a
connu un vif succès. Une trentaine de personnes d'horizons divers s'y sont
rendues pour partager en toute simplicité, sur le site même de leur passion,
leur expérience de la montagne. Parmi celles-ci, une quinzaine ont
officiellement présenté des communications.
Sur l'ensemble des conférenciers, un bon tiers était composé de
"professionnels" de la montagne. C'est le cas du guide Jean-Nicolas Grieco,
du glaciériste Bernard Mailhot, de l'alpiniste Catherine Zekri et de
l'ex-entraîneuse de ski alpin Sylvie des Rosiers, par ailleurs étudiante à
la Faculté d'éducation. Ceux-ci ont parlé des métiers de la montagne, de
leurs modalités d'expression et des émotions qu'ils génèrent. L'homme
d'affaires et grimpeur Laurent Péloquin, qui emmène des adeptes de la
montagne au mont Blanc depuis une bonne dizaine d'années, a quant à lui
rendu hommage à Yves Laforest, le premier Québécois à avoir (été) conquis
(par) l'Everest, et dont nous sommes sans nouvelle depuis sa disparition
l'été dernier, dans les Rocheuses.
Les écrivains, les littéraires et les pédagogues ont eux aussi livré des
témoignages sur leur propre expérience alpine. Les gens de lettres, Jean
Désy, François Bruneau, Anne-Brigitte Renaud et Hélène Guy, ont su faire
vivre la montagne avec leurs mots alors que les gens de sciences, Bertrand
Côté et Étienne Bastin, ont intégré la philosophie à leur approche
structurée de l'espace. Enfin, les pédagogues Daniel Leblanc et Noëlle Sorin
ont traduit l'importance de l'éducation à la montagne.
Pourquoi la montagne?
À cette question, Hélène Guy répond : "Parce que la montagne est
interdisciplinaire. C'est un lieu de transmission. Il existe une culture de
la montagne fondée sur l'échange. Cette culture unit les gens, les
générations, les sexes." Si la montagne en tant que telle captive la
passionnée de plein air, c'est davantage les récits d'expédition en montagne
qui fascinent la chercheure en création littéraire. "Il y a deux facteurs
d'équilibre dans ma vie, l'activité physique et l'écriture", résume-t-elle.
Et en ce qui a trait à l'écriture, c'est le processus de création du récit
qui l'intéresse plus particulièrement, autrement dit, dans ce cas-ci,
comment les gens de la montagne s'approprient la littérature alpine, vivent
et mettent en mots leur rapport à la montagne.
Quand on lui demande à quoi ressemble sa montagne, Hélène Guy répond que
"la montagne est d'abord et avant tout un lieu d'exploration, à la fois du
dehors, les lieux comme tels que le grimpeur pourra admirer, mais aussi du
dedans, c'est-à-dire de soi-même". En ce sens, l'écrivain comme l'alpiniste
est un explorateur et le récit d'expédition devient "l'espace-frontière" qui
lui permet d'atteindre des sommets autant réels que liés à son intériorité.
"L'alpiniste-écrivain cherche à se dépasser lui-même en haute montagne, en
écriture et, s'il est professeur, en recherche-création", conclut Hélène
Guy.
Trente âmes au sommet
En organisant son colloque au sommet d'une montagne, Hélène Guy visait à
créer une atmosphère propice à l'introspection et à l'échange. L'un des
participants, l'auteur Jean Désy, lui prouve qu'elle a eu raison. Il résume
ainsi son expérience : "Trente âmes gagnées par la même passion, dit-il,
l'air pur de Zarathoustra. Il y avait longtemps que j'avais trouvé autant
d'harmonie au contact de tant de gens en même temps." Béatrice Halsouet,
étudiante au doctorat en éducation, considère pour sa part qu'elle a vécu
"un moment de très forte intensité. Un moment riche de belles rencontres
avec des personnes d'horizons très divers, mais toutes prêtes à livrer un
peu de leur chemin, de leur montagne, ou d'eux, et ce autour de livres,
d'hommages ou d'une ascension".
Le colloque est maintenant chose du passé, mais les recherches de la
professeure Guy se poursuivent. Elle invite d'ailleurs tous les passionnés
de la montagne à lui faire parvenir leurs récits qui pourraient se
retrouver, s'ils étaient sélectionnés, dans l'ouvrage collectif consacré aux
"Voix de la montagne" qu'elle prépare actuellement, dans la foulée du
colloque au mont Washington. Les récits de 5 à 10 pages, écrits à double
interligne, doivent lui être envoyés par courriel au plus tard le 15
décembre. L'adresse est Helene.Guy@USherbrooke.ca. La professeure animera
également un atelier d'écriture à la mi-janvier dans un refuge du parc du
mont Orford pour les gens qui voudraient améliorer leurs récits et faire du
ski de fond ou de la raquette.
C'est le professeur retraité de la Faculté d'administration
Étienne Bastin qui a initié Hélène Guy à la montagne.
Celui-ci a participé au colloque.
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La séance du samedi matin a eu lieu sur la terrasse du refuge.
Celle-ci offre une vue d'ensemble sur la chaîne de montagnes des
Appalaches.
Photo : André Roy |