|
Profession : ouvreur d'horizons
CHARLES VINCENT
Quand il est devenu professeur au Département de biologie, en 1985,
Ryszard Brzezinski n'avait qu'une expérience limitée en enseignement
universitaire. Il n'avait même jamais réfléchi au genre de professeur qu'il
allait être ou qu'il souhaitait devenir, même s'il réalisait son plus grand
rêve en suivant les traces de son père instituteur. C'est donc tout
naturellement qu'il a développé un enseignement calqué sur celui des
professeurs qu'il avait eus auparavant. Le résultat ne fut pas concluant, et
fut même plutôt décevant. On lui reprocha une forme trop rigide et un ton
monotone, bref une attitude qui créait une barrière entre le maître et ses
élèves. Mais Ryszard Brzezinski rectifia le tir rapidement, au point de
développer une méthode d'enseignement qui fait de lui l'un des professeurs
les plus appréciés du Département de biologie.
Au cours des six dernières années, Ryszard Brzezinski a été nommé
professeur de l'année à cinq reprises par les étudiants au baccalauréat en
biologie. Sa recette? "Expliquer les choses compliquées au moyen de mots
clairs", lance-t-il spontanément. Une explication qui trouve écho chez les
étudiants. "Il est clair, net et précis, indique Geneviève Couture,
étudiante à la maîtrise, inscrite en codirection avec lui. Il est patient,
disponible et donne toujours des exemples concrets. Par exemple, plutôt que
de parler de manière générale de l'ADN, il le fera en nous expliquant
comment fonctionnent les tests de paternité." "C'est un passionné, renchérit
Marie-Pierre Dubeau, elle aussi inscrite à la maîtrise avec lui. Il est
intéressant et complet."
L'autoapprentissage assisté
"Lorsque je suis arrivé de Pologne, se rappelle le professeur Brzezinski,
j'enseignais comme je l'avais vu faire à Varsovie ou à Rome, là où j'ai fait
mes études universitaires. Il a fallu que je connaisse l'école québécoise
par le biais de mes enfants pour comprendre à quel point ma façon
d'enseigner ne cadrait pas avec la culture québécoise. En me plaçant sur un
piédestal comme je le faisais, je coupais les ponts avec les étudiants."
C'est ainsi que, petit à petit, Ryszard Brzezinski en est venu à mettre sur
pied une façon d'enseigner particulière qui est devenue en quelque sorte sa
marque de commerce. Cet enseignement, il l'a baptisé "l'autoapprentissage
assisté". Une méthode qui, et c'est le moins qu'on puisse dire, fait
l'unanimité auprès des étudiants.
L'autoapprentissage assisté repose sur une division tripartite du temps
d'enseignement. D'abord, une séance magistrale en classe; l'occasion de
passer très rapidement sur la matière. Ensuite, une "séance interactive" au
cours de laquelle le professeur et ses assistants, des étudiantes et
étudiants de deuxième et troisième cycles, circulent parmi les futurs
bacheliers pour les aider à débroussailler la matière. "Quand on répond à
leurs questions, on ne leur livre jamais l'ensemble de l'explication,
explique le professeur. On mesure jusqu'où ils comprennent, on les débloque
puis on les laisse à eux-mêmes. Ils doivent se rendre le plus loin possible
par leurs propres efforts. Au besoin, on revient les voir pour leur donner
de nouvelles pistes. Et ainsi de suite."
À ces deux volets s'ajoute un dernier, consacré à ce que le professeur
appelle les "sujets spéciaux". Ryszard Brzezinski prend une heure chaque
semaine pour présenter des cas concrets, pratiques, qui permettent aux
étudiantes et étudiants de mieux assimiler la matière. "Mon objectif est
d'ancrer la matière dans la réalité en proposant des sujets qui touchent les
étudiants", explique-t-il. Par exemple, lorsqu'il aborde la génétique
humaine, il le fait à travers les maladies héréditaires ou, quand vient le
temps de parler de la génétique des populations, il prend comme exemple la
population québécoise. Il n'hésite pas à aborder des sujets délicats, par
exemple l'eugénisme économique et social. Une prestation qui lui a
d'ailleurs valu une ovation, et qu'il se fait un devoir de redonner année
après année.
Ouvrir les horizons
Quand on lui demande qu'est-ce qui le motive à promouvoir un tel
enseignement, il répond du tac au tac l'ouverture d'esprit. Pour lui,
l'enseignement ouvre les horizons. D'abord celui du professeur qui doit
développer une maîtrise globale des sujets enseignés. "L'enseignement est
sans doute la meilleure façon de se renouveler pour un professeur",
ajoute-t-il. Ensuite, selon lui, l'enseignement doit avoir pour objectif
premier d'élargir le champ de la pensée des étudiants. "Il faut bien les
préparer pour le marché du travail, précise-t-il. On doit les outiller de
manière à ce qu'ils soient capables d'apprendre par eux-mêmes dans des
environnements différents. On doit les obliger à réfléchir par eux-mêmes, à
composer avec les différentes situations."
C'est ainsi que pour le professeur Brzezinski, un bon étudiant sera
quelqu'un "d'allumé", quelqu'un qui profite de son passage à l'université
pour faire le plein de sa discipline. Mais, attention, celui-ci ne doit pas
s'enfermer dans une tour d'ivoire. "Un bon étudiant est celui qui n'envisage
pas ses études comme une boîte fermée, indique-t-il. Chaque discipline est
en lien avec la réalité. Je me sers de cette dernière pour enseigner, mais
cela joue également dans l'autre sens. Nous avons tous une responsabilité
face au réel, celle de mettre à profit notre formation, nos talents, pour le
bien-être collectif". Et, à ce propos, force est de reconnaître que Ryszard
Brzezinski met de très belle façon ses propres talents à faire de sa
profession celle d'ouvreur d'horizons.
Retour à la une |