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En visite dans les pénitenciers de la Bolivie
CATHERINE LABRECQUE
Quatre étudiantes de la Faculté de droit ont passé l'été en Bolivie,
multipliant les démarches pour s'introduire dans les pénitenciers. Après
deux mois d'efforts, elles ont finalement réussi. Leur constat est
désolant : des jeunes d'âge mineur enfermés dans des prisons surpeuplées,
des enfants qui n'ont pas la chance d'aller à l'école puisqu'ils sont
emprisonnés avec leur mère, des prisonniers victimes de lois qui vont à
l'encontre des droits de l'homme. Rien pourtant pour décourager ces jeunes
femmes passionnées par le droit humanitaire. Nalini Vaddapalli, Sara
Bergevin, Valérie Mercier et Anick Boilard se sont envolées en juillet dans
ce pays réputé pour sa production de coca, avec l'objectif d'améliorer les
conditions de vie des jeunes d'âge mineur en pénitencier.
Un objectif difficile à atteindre en si peu de temps, comme s'en sont
rapidement rendu compte les quatre aventurières. Plus d'un défi les
attendait, comme l'explique Sara Bergevin : "Nous avons d'abord dû nous
trouver un contact qui nous permettrait d'entrer à l'intérieur des
pénitenciers. Cette étape passée, nous nous sommes aperçues que le système
juridique ne met pas en pratique les lois concernant le droit des
prisonniers". Elles ont pu faire cette constatation après avoir trouvé des
textes juridiques à la Faculté de droit d'une université locale. Même si
certaines des étudiantes maîtrisent assez bien la langue espagnole, se
familiariser avec le langage juridique en espagnol était un véritable défi.
Avec l'aide financière de l'Office Québec Amérique pour la jeunesse et
l'appui d'un organisme bolivien, le Centre d'études pour la justice et la
participation, elles ont pu faire les premiers pas dans l'atteinte des
objectifs de leur projet. "En résumé, nous voulons séparer les enfants des
adultes dans les pénitenciers, ajouter des services tels que la possibilité
de rencontrer un médecin et un travailleur social, ainsi que l'accès à
l'éducation, d'abord pour les mineurs, et possiblement pour d'autres
prisonniers", affirme Anick Boilard.
Elles ont constaté que plusieurs prisonniers étaient incarcérés à cause
de l'application intransigeante de la loi américaine 1008, qui vise à
réduire les plantations de coca. "Environ les trois quarts des détenus sont
emprisonnés à cause de l'interprétation que les autorités font de cette loi
sur le trafic de la drogue. Une personne arrêtée pour possession de drogue
sera ainsi présumée coupable de trafic de drogue. Les prisonniers purgent
des peines pour des crimes qu'ils n'ont pas tous commis. De plus, en Bolivie
les accusés sont coupables jusqu'à preuve du contraire, n'ont pas droit à la
liberté provisoire et doivent attendre leur sentence en prison", poursuit
Anick Boilard.
Selon les étudiantes, les prisons boliviennes ressemblent à de petites
sociétés. "Les prisonniers doivent payer leur emprisonnement. Les prisons
contiennent des dépanneurs et des boutiques, des femmes font leur repas en
commun et certaines suspendent même leurs vêtements sur des systèmes de
corde à linge après la lessive! Plusieurs enfants de femmes emprisonnées ne
sont pas encadrés et sont victimes d'abus. Les prisons que nous avons
visitées sont surpeuplées et la drogue y circule facilement", relève Sara
Bergevin. Heureusement, elles ont également noté de bons côtés : "Des
formations en coiffure ou en esthétique sont offertes aux femmes
emprisonnées en vue de favoriser leur réhabilitation. Lors de nos visites,
les prisonniers se sont montrés coopératifs. Nous voulions les mettre au
courant de leur droit afin de réduire les abus."
Même si deux mois et demi n'ont pas été suffisants pour obtenir les
résultats souhaités, les quatre étudiantes demeurent tout de même optimistes
et ne sont pas près d'abandonner les prisonniers de la Bolivie. "Nous avons
commencé à amasser des fonds pour que deux de nous quatre retournent en
Bolivie. Puisque nous avons déjà établi des contacts, nous économiserons
alors du temps. Nous savons qu'il y a encore beaucoup à faire pour changer
le système juridique", résument-elles.
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