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Liaison, 16 octobre 2003
La vie de bureau
Psychologue invité :
Michel Roy
Dans quelle mesure la vie de bureau a-t-elle une incidence sur notre
vie privée?
Dans votre question, il y a déjà une réponse. Ce qui unit ces deux
réalités, c'est la vie! Nous passons une partie importante de notre vie au
travail. Le travail est (en principe) un lieu de réalisation personnelle
et il participe à la définition de notre identité. Nous y investissons
beaucoup de nos compétences personnelles, de nos émotions et de nos rêves.
Dans le travail et par lui, on se développe, on s'épanouit, on actualise
qui l'on est. Le travail constitue une partie non négligeable de notre
identité et il la façonne même sous certains aspects. Par conséquent, il
aura une incidence considérable sur l'ensemble des dimensions de notre
vie. Et vice-versa. Il est difficile de mettre sa vie personnelle au
vestiaire en arrivant au bureau. Et c'est heureux. Nous ne sommes pas
faits en pièces détachées. Le succès, les défis, les problèmes que l'on
rencontre au travail teintent nos humeurs, façonnent notre estime de
nous-mêmes, nourrissent nos pensées et laissent des traces lorsque nous
arrivons chez nous. Et vice-versa. Ainsi nous construisons, ainsi nous
sommes!
Oui, peut-être, mais considérant que les problèmes professionnels
peuvent "contaminer" la vie personnelle (ou vice-versa), ne serait-il pas
préférable d'opérer un cloisonnement entre la vie au travail et la vie à
la maison?
Puisque le travail est une partie importante de notre identité et un
lieu de développement, il est bien difficile de penser que nous puissions
élever une cloison étanche entre travail et vie privée. Le mur ne
tiendrait pas longtemps. Alors, vaut-il mieux vivre à aires ouvertes? Ici,
comme ailleurs, la modération (ou l'équilibre) entre ces deux extrêmes a
bien meilleur goût. Parler à la maison de ses bons coups au travail,
d'anecdotes sympathiques, de problèmes ou de moments plus difficiles peut
nous faire le plus grand bien. Si nous sommes fiers de ce que nous avons
accompli, contents de l'atmosphère au travail, c'est un plaisir de le
partager avec nos proches. Si certaines situations sont difficiles ou
problématiques, le fait d'en parler et d'obtenir un autre point de vue
peut nous aider, même si ce n'est que d'avoir vidé notre sac et d'être en
mesure ensuite de passer à autre chose. Parler de ce que l'on vit au
travail est une façon d'entretenir l'intimité avec des proches en leur
faisant partager quelques éléments d'une partie importante de sa vie. Si,
par ailleurs, on accapare sans cesse les gens autour de soi, parce qu'on
n'arrive pas à décrocher du travail, à être avec eux, il faut peut-être se
poser des questions, se demander si le travail ne prend pas trop de place
dans sa vie ou si certaines situations de travail ne mériteraient pas
qu'on s'attarde davantage à les résoudre…
Règle générale, les gens sont-ils les mêmes au bureau et à la
maison? Autrement dit, avons-nous une personnalité "travail" et une autre
"vie privée"?
Les gens ont sûrement un noyau "dur" de caractéristiques personnelles
qui transcendent les situations, qui sont relativement stables et qui
constituent leur identité. Ce noyau sera le même peu importe le contexte.
Toutefois, les modalités d'expression de ce qu'ils sont varieront selon
les lieux, les personnes ou les situations. Il existe des codes de
conduite, des règles implicites et explicites qui nous aident à orienter
notre conduite et qui déterminent les modalités d'expression de ce que
nous sommes. Ainsi, avec ma famille, j'exprimerai avec davantage de
liberté des aspects de ma personnalité que je pourrais taire en situation
de travail. Devant des étudiants, dans mon rôle professionnel, mon contact
et ma façon d'être seront aussi différents. Être authentique pour moi ne
veut pas dire tout révéler de soi, mais bien que tout ce qu'on décide de
révéler, soit vraiment en accord avec soi. Ainsi, même si je me montre
différent au travail, c'est toujours moi qui agis et ce qui est révélé
fait vraiment partie de moi. Selon les circonstances, je choisirai de
n'exprimer que certaines facettes de ma personnalité. Pourquoi pas!
En collaboration avec
le Service de psychologie et
d'orientation
Propos recueillis par
Charles Vincent
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