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Liaison, 16 octobre 2003
L'éthique à l'ère du soupçon
On doit à Paul
Ricœur d'avoir regroupé sous l'expression "maîtres du soupçon" trois des
penseurs qui ont marqué de façon décisive la fin du dix-neuvième siècle et
le vingtième : Karl Marx, Friedrich Nietzsche et Sigmund Freud. Les outils
conceptuels forgés par ces trois esprits ont en commun de faire peser un
soupçon radical sur la religion et la morale. Pour eux, l'effectivité
sociale de celles-ci contredit ce qu'elles disent d'elles-mêmes; elles
cachent des intérêts particuliers que la critique philosophique se doit de
faire apparaître en toute lumière. Et l'éthique, que d'aucuns considèrent
aujourd'hui comme une nouvelle religion, est-elle vraiment ce qu'elle dit
d'elle-même? Dit-elle vraiment ce qu'elle est en réalité? Peut-elle
seulement dire encore quelque chose qui dépasse les morales individuelles?
Il est bon de prendre à nouveau la mesure des soupçons des maîtres du
dix-neuvième siècle et de tenter de penser, en les confrontant, les
conditions de possibilité d'une éthique pour notre temps qui soit lucide
sur sa validité et ses limites. Ces soupçons apparaissent comme les
facettes d'une question plus radicale encore : n'y aurait-il pas derrière
l'éthique un jeu de pouvoir visant à imposer une certaine conception de
l'humain, une "anthropologie philosophique" particulière? C'est à répondre
de façon aussi rigoureuse que possible, notamment à cette dernière
question, que s'attachent les auteurs des textes rassemblés dans ce
volume.
André Lacroix et Jean-François Malherbe enseignent à la
Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie.
Sous la direction d'André Lacroix et Jean-François Malherbe,
L'éthique à l'ère du soupçon – La question du fondement anthropologique de
l'éthique appliquée, Éditions Liber, 2003, 166 p.
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