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Liaison, 16 octobre  2003

La mystérieuse affaire d'Aurore l'enfant martyre

Le 12 février 1920 mourait Aurore Gagnon, celle dont l'imagerie populaire se souviendra sous le nom d'Aurore l'enfant martyre. Le procès intenté à son père et à sa belle-mère révèlera que la fillette de 10 ans a succombé à des sévices corporels et à la négligence de ses parents. Plus de 50 coups et cicatrices seront découverts sur son corps. Pourquoi? Qui des deux parents est coupable? L'affaire prendra rapidement des proportions gigantesques dans l'opinion publique, au point d'inspirer une pièce de théâtre et un film qui, tous deux, vont marquer l'imaginaire québécois. Une ampleur qui s'explique mal quand on sait que les cas de violence familiale abondent dans les archives judiciaires de l'époque. Un mystère, donc, à bien des égards, que l'équipe dirigée par l'historien Peter Gossage dévoilera sous peu dans un site Internet baptisé "Qu'est-il arrivé à Aurore Gagnon?".

CHARLES VINCENT

Conçu principalement de manière à mettre en valeur la méthode historienne, le site sera doté d'une architecture particulière. L'usager pourra naviguer entre diverses sections lui permettant de reproduire les principales étapes du travail de l'historien, jusqu'à dégager sa propre interprétation des faits. L'objectif étant de favoriser le contact avec l'histoire en plaçant l'usager dans la peau d'un détective, une position assimilable à bien des égards à celle de l'historien. Quatre sections présenteront à travers les documents d'archives (journaux, enquêtes judiciaires, correspondances, etc.) les temps forts de l'affaire : la mort étrange, les procès, le sort des condamnés et les échos dans l'opinion publique. Une dernière section révèlera les principales interprétations dégagées à ce jour par les historiens, question de permettre à l'usager de confronter la sienne à celles-ci.

Le site consacré à Aurore Gagnon sera le deuxième d'une série de treize sites produits dans le cadre du projet "Les grands mystères de l'histoire canadienne", financé par le ministère du Patrimoine canadien et mené conjointement par une vingtaine de chercheuses et chercheurs et d'étudiantes et étudiants des universités de Victoria, de Toronto et de Sherbrooke. Le premier, intitulé Who killed William Robinson?, est l'œuvre des codirecteurs du projet, les historiens John Lutz, de l'Université de Victoria, et Ruth Sandwell, de l'Ontario Institute for Studies in Education. Le site a déjà connu un vif succès. Lors de son lancement, il a fait la une du Globe and Mail et il a remporté, en 2002, le prix du meilleur site Internet éducatif en Amérique du Nord puis, en 2003, le "MERLOT Award for Examplary Online Learning Resources in History". Il est déjà prévu qu'un troisième site, consacré celui-là à la rébellion des Chilcotins, sera bientôt lancé.

Un projet pédagogique

Bien que ludiques, les sites consacrés aux mystères de l'histoire canadienne se veulent d'abord et avant tout éducatifs. En plus de mettre en valeur la façon de travailler des historiens et les problèmes qu'ils peuvent rencontrer (contradictions ou lacunes dans les sources, pluralité d'interprétations, etc.), autrement dit de démythifier la profession, les sites visent à offrir un outil pédagogique structuré et convivial aux enseignants de niveaux secondaire et collégial de partout à travers le Canada. Traduits dans les deux langues officielles, les sites sont accompagnés d'un "Guide des enseignants", rédigé conjointement par l'historien responsable de la thématique et la consultante en pédagogie Ruth Sandwell. Ce guide aide les enseignants à bien structurer leur approche de l'histoire à travers les thématiques abordées.

C'est précisément ce caractère pédagogique qui a séduit Peter Gossage, à qui John Lutz proposait, il y a deux ans, la direction du volet québécois des mystères canadiens. Spécialiste de l'histoire de la famille aux XIXe et XXe siècles, le professeur Gossage a tout de suite vu dans l'affaire d'Aurore Gagnon un bon "potentiel de mystère". Sa participation au projet le pousse cependant à envisager cet épisode de l'histoire québécoise à travers un prisme assez différent de celui qu'il adopte au quotidien dans ses recherches. "Ce projet décloisonne l'enseignement et la recherche, précise-t-il. Il nous force à mener les deux de front. Auteur de travaux scientifiques sur l'affaire d'Aurore Gagnon, je dois maintenant me mettre dans la peau d'un enseignant du secondaire et trouver des façons d'attirer l'attention des étudiants. C'est un beau défi."

Pour relever ce défi, Peter Gossage n'est pas seul. Il s'est adjoint une diplômée de la maîtrise en histoire, Carolyne Blanchard, dont les travaux portent sur les femmes criminelles dans les Cantons-de-l'Est. D'autres chercheurs de l'Université de Sherbrooke participent également au projet. Véronique Spreter, étudiante à la maîtrise en histoire, s'assure de la fidélité des documents d'archives mis en ligne. Une équipe du Département des lettres et communications a pour sa part obtenu le mandat de traduction. Les professeures Pamela Grant et Patricia Godbout, ainsi que l'étudiante au baccalauréat Rose-Anne Chabot, ont pour mission de traduire, dans les deux sens, les textes et documents des treize sites qui seront bientôt en ligne. L'historien spécialiste en multimédia, Léon Robichaud, participe également au projet à titre de conseiller technique.

Et le mystère d'Aurore, dans tout ça?

Que pensent finalement les historiens de l'affaire de l'enfant martyre? Même après des mois de recherches sur la question, Carolyne Blanchard reste perplexe : "Par exemple, je n'arrive toujours pas à m'expliquer pourquoi Aurore ne s'est jamais enfuie, comme l'a fait sa sœur aînée." Quant à Peter Gossage, si la réponse à "Qui a tué?" semble ne plus faire de doute dans son esprit (à son avis, les deux parents sont coupables au même degré, même si la justice en a conclu autrement), le "Pourquoi?" renferme encore sa part de mystère. Même s'il connaît bien les familles dysfonctionnelles pour les avoir souvent rencontrées dans les archives, il se demande encore qu'est-ce qui, de la folie, de la cruauté ou de la pauvreté de la famille, doit être envisagé comme la cause de cette abominable histoire. Ou ne serait-ce pas plutôt une combinaison de ces facteurs? Mystère!

Quoi qu'il en soit, ce qui fascine davantage le professeur, ce sont les retombées de l'affaire. "Pourquoi l'histoire d'Aurore Gagnon a-t-elle à ce point marqué l'imaginaire collectif des Québécois?", se demande-t-il. Certains de ses collègues historiens ont avancé une théorie fondée sur le sentiment de sujétion du peuple québécois, qui l'aurait poussé à s'identifier à Aurore. Il n'en croit rien. Peter Gossage voit plus loin. Selon lui, le fait que l'un des meurtriers soit Marie-Anne Houde a réveillé des "codes de la culture ancienne" qui associent la belle-mère à la marâtre. "L'histoire d'Aurore est en quelque sorte la même que celle de Cendrillon, qui elle-même tire son origine d'il y a fort longtemps, indique-t-il. À la différence cependant qu'Aurore, contrairement à Cendrillon, a connu une fin tragique." Dans ce contexte, le théâtre et le cinéma auront simplement propagé et ancré davantage l'histoire dans la mentalité populaire.

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Pour vous faire votre propre idée, vous n'aurez qu'à consulter le site des Grands mystères de l'histoire canadienne à l'adresse suivante : www.canadianmysteries.ca. Le site sur Aurore devrait être publié au plus tard au mois de mars 2004. D'ici là, vous pouvez toujours tenter de deviner qui a tué William Robinson.

 


Le professeur d'histoire Peter Gossage et la diplômée de la maîtrise en histoire Carolyne Blanchard travaillent à la réalisation d'un site Internet consacré à l'affaire d'Aurore l'enfant martyre.

Photo SSE : Roger Lafontaine

 

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