Liaison, 2 octobre 2003
Pourquoi Mars fascine tant
Spécialiste invité :
Jean de Lafontaine,
professeur de génie informatique
Qu'est-ce qui explique, selon vous, que l'intérêt à
l'égard de Mars, qui a toujours été réel, s'est accru au cours des
dernières années?
L'intérêt des agences spatiales pour Mars vient surtout de son attrait
scientifique. Contrairement à ce qu'on connaît des autres astres près de
nous, l'atmosphère de Mars, ses conditions climatiques et les traces
laissées à sa surface – possiblement des écoulements d'eau – donnent aux
scientifiques certaines raisons de croire qu'il y aurait, ou qu'il
pourrait y avoir eu, une forme de vie sur cette planète. Sa relative
proximité de la Terre est aussi un atout : dans les meilleures conditions
qui se répètent tous les 26 mois environ, un vaisseau prend de 6 à 8 mois
à s'y rendre. Le nombre croissant de missions récentes vers Mars est sans
doute aussi lié au fait que le dernier grand projet spatial – la station
orbitale – entrera bientôt dans sa phase d'utilisation et que les
ressources de ces mêmes agences spatiales sont maintenant redirigées vers
ce prochain défi.
Quels sont les objectifs de l'exploration martienne?
Jusqu'à ce jour, les missions vers Mars avaient pour objectif
l'observation à partir d'orbites ou de sites d'atterrissages sécuritaires
pour fin de cartographie et de reconnaissance. Les prochaines
missions (2003 à 2009) visent l'analyse robotisée de la surface et du
sous-sol, à la recherche de traces de vie, dans des endroits plus
accidentés – falaises, cratères, lieux rocailleux – dont la qualité
scientifique est hautement plus importante que celle des sites plus
uniformes d'autrefois. À moyen terme (à partir de 2011 ou 2013), on
prévoit ramener des échantillons vers la Terre pour les analyser dans nos
laboratoires. À plus long terme (2025 à 2030), certaines organisations
planifient une présence humaine sur Mars…
Quel est le rôle du Canada dans cette exploration?
Traditionnellement, et à cause de ses faibles budgets, le Canada
collabore à des missions spatiales internationales en fournissant un des
éléments essentiels à la mission. Cela lui donne accès à tous les
résultats scientifiques. Le Canada a déjà fourni à une mission martienne
un instrument de mesure scientifique : le Thermal Plasma Analyser fabriqué
par l'Université de Calgary est actuellement en route vers Mars à bord de
la sonde japonaise Nozomi. L'Agence spatiale canadienne (ASC) et l'Agence
spatiale européenne (ESA) investissent actuellement dans le développement
d'un instrument de vol entièrement canadien, le système LAPS (LIDAR-based
Autonomous Planetary Landing System). Celui-ci permettra à un vaisseau
d'atterrir de façon sécuritaire et autonome sur les futurs sites
accidentés de la planète. Les sociétés torontoises OPTECH et MDRobotics
(maître d'œuvre du bras spatial canadien) fabriquent le capteur principal
de LAPS, un LIDAR, sorte de radar à base de faisceau laser. En parallèle,
la société NGC Aérospatiale de North Hatley et l'Université de Sherbrooke
y intègrent les logiciels "intelligents" qui permettent de reconnaître les
obstacles à la surface de Mars, de les éviter et de guider le vaisseau
vers le meilleur site d'atterrissage, sur le rebord d'un cratère ou au
pied d'une falaise. Des tests du LIDAR sur un terrain martien simulé sont
actuellement en préparation dans le groupe de recherche SIgMA du
Département de génie électrique et de génie informatique de l'UdeS.
Que pensez-vous que Mars peut nous apprendre?
On peut facilement interpoler entre deux points, voire extrapoler; il
est plus difficile de le faire quand on ne connaît qu'un seul des points!
Nous connaissons relativement bien notre planète mais pas autant nos
voisines. Selon les spécialistes dans le domaine, l'étude de la planète
Mars permettrait de mieux comprendre la formation du système solaire, de
mieux situer l'évolution de la Terre dans ce contexte et peut-être de
mieux comprendre les origines de la vie sur Terre. Mars présente beaucoup
de similarités avec la Terre. Il y a d'ailleurs deux sites dans le Grand
Nord canadien, dont les caractéristiques sont analogues à celles qu'ont
trouve sur Mars, et qui sont actuellement étudiés et utilisés par les
scientifiques en préparation des futures missions d'exploration.
Vous parlez de "présence sur Mars". Que nous apporterait une
éventuelle colonisation de l'espace?
Les rêveurs d'autrefois et les penseurs d'aujourd'hui y voient la
solution au problème de l'éventuelle surpopulation et au manque de
ressources sur la Terre. D'autres y voient l'évolution naturelle de
l'humanité : "La Terre est le berceau de l'humanité, mais l'humanité ne
restera pas éternellement dans son berceau", comme il a déjà été dit.
D'ici à ce que la technologie spatiale permette cette colonisation,
l'exploration spatiale par l'entremise de vaisseaux spatiaux autonomes et
intelligents reste la méthode la moins coûteuse et la moins risquée de
satisfaire notre soif de découvrir et notre désir de connaître notre place
dans l'univers. L'UdeS et le groupe SIgMA y contribuent activement!
Propos recueillis par : CHARLES VINCENT
Retour à la une
|