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Liaison région, 29 janvier 2004
La passion des flocons
Pour plusieurs d'entre nous, l'hiver est un véritable
calvaire. Trottoirs glacés, entrées de cour à déneiger, conditions routières
hasardeuses, autant de soucis qui empoisonnent la vie. Pour Hardy Granberg,
professeur au Département de géographie et télédétection de l'Université de
Sherbrooke, il en va tout autrement. L'hiver est pour lui un moment de pur
bonheur. Spécialiste de la modélisation spatiale des propriétés de la neige,
ses recherches l'ont amené à fouler des régions où l'hiver est maître et
roi, dont la Scandinavie, le Grand Nord canadien et l'Antarctique, avec
chaque fois la même quête, celle d'observer les particularités de ces
flocons blancs et légers que l'on appelle or blanc.
CHARLES VINCENT
Hardy Granberg a toujours été fasciné par la neige. Enfant, il
pouvait jouer des heures et des heures sur les congères du petit village
suédois où il a vu le jour. Très souvent, on le voyait enfiler ses raquettes
pour «prendre le bois» ou partir en ski de fond dans les sentiers tout
blancs. Plus tard, à l'Université de l'Umea, il a pris la décision de faire
de cette passion un objet d'étude, son objet d'étude. Dans le cadre d'un
baccalauréat en géographie, il s'est penché sur les rapports entre le
microclimat et la fonte du couvert nival. C'est d'ailleurs au moment même où
il mettait le point final à son étude qu'on l'informa que des professeurs de
l'Université McGill, au Québec, cherchaient des gens pour mener des études
sur la neige. Hardy Granberg sauta sur l'occasion.
C'est donc à la station météorologique de Schefferville que le
jeune Suédois fit ses premières armes dans l'univers scientifique québécois.
Étudiant à la maîtrise, sa tâche était alors de comprendre comment la
topographie et la végétation influencent la répartition de la neige. Aux
prises avec des difficultés d'extraction dans les zones de pergélisol, la
compagnie minière Iron Ore souhaitait connaître les secteurs affectés par
celui-ci pour mieux les éviter. La neige agissant comme un isolant, il
importait de prévoir où, année après année, elle allait s'accumuler pour
savoir où creuser à moindre coût. C'est ainsi que Hardy Granberg créa l'un
des premiers systèmes d'information géographique à être utilisés
industriellement. Sa carrière était lancée.
Une avalanche d'expéditions
Engagé comme professeur au Département de géographie et
télédétection de l'Université de Sherbrooke en 1986, Hardy Granberg a depuis
organisé de nombreuses expéditions dans des contrées enneigées. À trois
reprises, il s'est rendu en Antarctique. La première fois, c'était en 1989
dans le cadre d'une expédition finlandaise dont la mission principale était
d'étudier les glaces marines. Il répéta l'expérience à deux reprises avec un
groupe d'étudiants québécois et finlandais. Entre temps, en 1994, il avait
déjà emmené des étudiants en Islande, ce tout petit pays situé à proximité
du cercle polaire. À plusieurs reprises également, le professeur a mené des
recherches en Finlande, pays avec lequel il entretient des relations
privilégiées.
Il ne faudrait pas croire qu'Hardy Granberg boude nos bancs de
neige. Bien au contraire. Au cours de sa carrière, il s'est rendu de
nombreuses fois à Schefferville, la plupart du temps pour diriger les
travaux d'étudiants. Il y pilotera d'ailleurs une nouvelle expédition en
mars. Depuis quelque temps, également, le professeur travaille de concert
avec les gens du parc national du Mont-Mégantic pour mieux comprendre les
raisons qui font de cet endroit le plus enneigé du sud du Québec. Depuis
l'automne, il dirige les travaux d'étudiants qui cherchent à expliquer la
variation spatiale et temporelle du couvert de neige sur l'ensemble de ce
territoire. Les données colligées permettront notamment d'améliorer les
services récréotouristiques.
La grande aventure des flocons
«C'est toujours un plaisir pour moi de parler de neige»,
explique Hardy Granberg. Et ça paraît! Il en parle avec aisance et
satisfaction, comme s'il nous entretenait d'un vieil ami qu'il connaît
presque par cœur à force de l'avoir longtemps côtoyé. «Les gens ignorent que
la plupart des précipitations de la planète commencent sous forme de neige,
là-haut dans l'atmosphère, et que les flocons qui tombent sur nos têtes ont
dégringolé pendant près de 10 km, commence-t-il. C'est absolument magique! À
cette altitude, le flocon n'est en fait qu'une petite plaque formée de
gouttelettes d'eau. C'est en descendant, lorsque les extrémités gèlent,
qu'il acquiert sa forme cristalline typique.»
Hardy Granberg avoue bien candidement ne pas être comme tout
le monde. «Les gens trouvent ça étrange quand ils me voient sortir une loupe
de ma poche pour scruter dans les moindres détails un flocon qui vient de se
poser sur mon manteau, explique-t-il. Je peux les comprendre. Mais en fait,
je vous dirais, faites-le. Essayez-le! Vous allez voir, c'est absolument
fabuleux. Il n'y a pas sur terre deux flocons identiques.» Peut-être, en
effet, ceux pour qui l'hiver est un calvaire devraient s'adonner à
l'observation des flocons. Ça ne leur fera sans doute pas aimer l'hiver du
jour au lendemain, mais ça pourrait contribuer à ajouter un peu de magie à
la saison froide.
Photos SSF : Roger Lafontaine
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Le professeur Hardy Granberg
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