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Liaison région, 10 juin 2004
Le français et la réussite scolaire
Par son impact sur l'ensemble des matières, la maîtrise du français se
trouve au centre de l'apprentissage des élèves et constitue un élément-clé
de la réussite scolaire et sociale. C'est ce qu'affirme Marie-France Morin,
professeure à la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke. Cette
chercheure suit l'évolution de l'apprentissage de cette langue chez les
tout-petits dans les premières années à l'école.
CATHERINE LABRECQUE
Marie-France Morin affectionne particulièrement un recueil d'écrits à
première vue indéchiffrable. Il ne recèle pas d'information alambiquée sur
les rouages de la didactique du français, mais renferme les esquisses
d'écriture de bambins. La professeure au Département d'études sur
l'adaptation scolaire et sociale parvient habilement à lire les écrits non
conventionnels. «On voit ici les lettres M-K-O-I. Ça veut dire «macaroni»!
Les élèves réussissent toujours à m'émerveiller dans leurs façons de
comprendre la langue! C'est un leitmotiv dans mon travail!» Elle a elle-même
recueilli ces écrits en évaluant les habiletés orthographiques des élèves
fréquentant la maternelle : une des premières étapes d'une recherche qui
vise à mieux comprendre l'apprentissage de l'orthographe de la maternelle à
la fin du premier cycle du primaire.
Récemment, cette chercheuse a été doublement subventionnée. Le Conseil de
recherches en sciences humaines du Canada lui a octroyé 117 000 $ pour
suivre l'évolution des connaissances orthographiques des jeunes élèves
entre 2004 et 2007. De plus, afin d'évaluer une pratique novatrice de
l'enseignement du français, elle a également reçu une subvention de 74 000 $
du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture, en
collaboration avec le ministère de l'Éducation du Québec. Cette dernière
recherche tente de vérifier l'impact d'une approche intégrée du français
écrit de la maternelle au 3e cycle du primaire et s'échelonne de 2004
à 2005.
Habiletés orthographiques
Afin d'examiner la progression des connaissances orthographiques des
élèves, Marie-France Morin suit l'évolution de 200 enfants rencontrés à cinq
reprises de la fin de la maternelle à la fin de leur deuxième, lesquels sont
répartis dans dix classes de l'Estrie et de la Montérégie. «Chaque enfant
est soumis à différentes tâches pour évaluer son niveau d'habileté à
l'écrit, notamment en écriture. Cette recherche vise à évaluer le rôle des
connaissances orthographiques implicites et explicites des élèves en
maternelle, c'est-à-dire avant qu'ils aient appris à écrire et au tout début
de l'école primaire.» Selon des données émises par le Conseil supérieur de
l'éducation en 1999, 52,5 % des élèves québécois sont classés fragiles ou
incompétents en écriture aux épreuves de français en 3e année du primaire.
Marie-France Morin se sent interpellée : «Ça me mobilise de voir ces
statistiques. Je veux essayer de changer ce chiffre en tant que professeure.
Il faut comprendre comment la langue se développe et s'apprend chez les
élèves pour saisir leurs difficultés et éventuellement, les aider à les
surmonter.»
Littérature jeunesse
Imaginez une classe du primaire où les élèves apprennent à lire et à
écrire à partir de la lecture d'un livre jeunesse. Pendant dix semaines, des
classes d'une école primaire en font l'expérience. Elles expérimentent cette
orientation didactique appelée approche intégrée. Parallèlement, d'autres
élèves de la même école continuent à recevoir un enseignement traditionnel
centré sur le manuel scolaire. Cette autre recherche de Marie-France Morin
vise à évaluer l'impact de cette approche intégrée en maternelle et aux
trois cycles du primaire. «L'hypothèse est la suivante : les enfants
associés aux groupes expérimentaux témoigneront d'un niveau de compétence
plus élevé à l'écrit au terme de ces dix semaines, étant donné le contexte
signifiant et réel de communication écrite fourni par la lecture de livres
de littérature jeunesse. Ces lectures constituent dans la classe un point de
départ pour travailler, par exemple, la syntaxe, le texte et d'autres
notions liées à la langue écrite.»
À propos des retombées dans le milieu scolaire, Marie-France Morin se dit
très satisfaite. Le projet aurait déjà provoqué une réflexion et un
changement de pratiques chez la majorité des enseignants qui participent à
la recherche. Ces deux recherches partagent un point commun concernant la
conception de la langue écrite qui doit prévaloir à l'école : «Les élèves
doivent voir la langue écrite comme un objet de liberté, non comme une
contrainte scolaire. Pouvoir lire des histoires à un petit frère ou écrire
une carte postale à un ami sont des besoins réels de communication écrite
que les enfants ont et qui dépassent largement le contexte scolaire. Pour
cette raison, il est important que les enfants entretiennent cette idée de
liberté au regard de la langue écrite.»
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Marie-France Morin, professeure à la Faculté d'éducation de
l'Université de Sherbrooke, vient de recevoir deux subventions pour
effectuer des recherches qui touchent l'apprentissage du français
des jeunes élèves.
Photo SSF : Roger Lafontaine |