Liaison, le journal de l'Université de Sherbrooke, 15 novembre 2001

 

Un autre pas vers la notion d’hôpital virtuel
Enseigner la médecine d’urgence à distance

GILLES PELLOILLE

Marcel Martin, le renommé chirurgien en traumatologie de la Faculté de médecine, a procédé à une première nord-américaine le 10 novembre en donnant à partir de Sherbrooke un cours de traumatologie en direct à dix collègues installés à l’Hôpital régional d’Edmundston, au Nouveau-Brunswick.

Grâce à de l’équipement de télémédecine disposé à la fois dans un laboratoire anatomique de l’Université de Sherbrooke et dans une salle de l’Hôpital régional d’Edmundston, les médecins du Nouveau-Brunswick ont pu suivre une formation en direct sur les 12 techniques les plus utilisées lors d’interventions d’urgence auprès de patients polytraumatisés. Munis de caméras numériques frontales Audisoft communiquant par le réseau câblé de la compagnie SIFRA, Marcel Martin et ses collègues pouvaient visualiser les techniques et les pratiquer simultanément, tout comme s’ils étaient ensemble dans un même lieu.

Vers l’hôpital virtuel

"Cette technologie constitue un tournant dans l’histoire de la chirurgie d’urgence. Elle établit les bases d’un hôpital virtuel, une notion qui gagne du terrain en traumatologie. En effet, l’hôpital virtuel permettrait de compenser pour les pénuries d’effectif spécialisé que l’on retrouve surtout en régions éloignées. Nous avons prouvé deux choses aujourd’hui : il est possible qu’un spécialiste guide à distance un médecin qui opère un patient; et la technologie est disponible. Le tout offre une solution éventuelle aux problèmes de manque de personnel", affirme Marcel Martin, qui travaille sur le concept d’hôpital virtuel en collaboration avec ses confrères sherbrookois Guy Bisson et Renald Lemieux.

Le chirurgien prédit que, dans un proche avenir et dans certains cas de polytraumatismes, un spécialiste pourra être rejoint à toute heure chez lui, d’où il se branchera sur Internet pour superviser à distance une équipe médicale située à l’autre bout du Québec ou du Canada. Il suffira que cette équipe soit munie de l’équipement vidéo et du lien Internet nécessaires.

De plus, la première nord-américaine réalisée aujourd’hui entre Sherbrooke et Edmundston représente une percée importante dans le domaine de l’enseignement médical en traumatologie : "Avec nos partenaires de l’Hôpital régional d’Edmundston, nous avons prouvé que les médecins spécialistes ou généralistes œuvrant dans une région éloignée auront accès à de la formation en soins d’urgence et de polytraumatologie à la fine pointe tout en demeurant sur leurs lieux de travail", a expliqué Marcel Martin.

Demeurer à jour et efficace

Pour Édouard Hendriks, urgentologue et directeur général de la Corporation hospitalière de la région 4 dont fait partie l’Hôpital d’Edmundston, le projet représente un avantage de marque pour les établissements hospitaliers situés en région : "Dans une région comme la nôtre, les cas de trauma sont heureusement peu nombreux. En contrepartie, nos médecins ont moins d’occasions de mettre en pratique les techniques apprises. L’accès à une telle formation permet à notre équipe médicale de demeurer à jour et surtout efficace en cas d’urgence, sans avoir à se déplacer vers un grand centre pour recevoir une formation de qualité."

En fonction du succès du premier test effectué samedi entre Sherbrooke et Edmundston, la technologie de la téléconsultation d’urgence pourrait être appliquée à tout le réseau de la santé québécois et canadien. L’expérience s’est aussi déroulée en présence d’une équipe de kinésiologistes de la Faculté d’éducation physique et sportive qui se sont livrés à l’observation des gestes des traumatologues. Leurs études permettront à plus long terme de détailler ces gestes pour que les chirurgiens s’en fassent une représentation mentale au moment de pratiquer à distance sur des patients. D’autre part, une équipe médicale de l’Alabama assistait à la première sherbrookoise pour en étudier la faisabilité dans cet État.

Chirurgien spécialisé en soins intensifs d’urgence et en traumatologie depuis 30 ans, Marcel Martin a œuvré durant 18 ans en recherche et en enseignement dans des hôpitaux universitaires des États-Unis. Il s’est joint à l’équipe de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke en 1998. En plus d’être un praticien reconnu, Marcel Martin est un pédagogue estimé. Son enseignement est tellement apprécié qu’il a reçu la semaine dernière le prix Galeano d’excellence pédagogique offert par les étudiantes et étudiants en médecine de quatrième année pour sa contribution à leur formation.

L’Université de Sherbrooke possède une certaine longueur d’avance dans l’enseignement et la pratique de la chirurgie à distance. C’est d’ailleurs un de ses illustres diplômés, le chirurgien Michel Gagner, qui a réalisé une première mondiale en septembre dernier dans le domaine de la robot-chirurgie. De New York, il a opéré une patiente qui se trouvait de l’autre côté de l’Atlantique, à Strasbourg (France), en maniant un robot télécommandé.


Grâce à de l’équipement informatique spécialisé en télémédecine, le chirurgien Marcel Martin a pu guider, de Sherbrooke, une équipe de chirurgiens à Edmundston sur des manœuvres d’urgence à pratiquer auprès de patients polytraumatisés.