Un système, trois points de vue

États généraux sur l'éducation

La Fédération étudiante de l'Université de Sherbrooke (FEUS) a organisé le 26 septembre un colloque sur les états généraux de l'éducation. Le ministre de l'Éducation, Jean Garon, était le premier conférencier invité. Il a été suivi de Jacques L'Écuyer, de la Commission d'évaluation générale sur l'enseignement collégial, et de Roch Denis, professeur à l'Université du Québec à Montréal et président de la Fédération québécoise des professeurs et professeures d'université (FQPPU).

Une cinquantaine de personnes, pour la majorité des universitaires, ont assisté à l'événement qui avait pour thème Une gestion universitaire qui favorise la qualité de l'enseignement. Benoît Latulippe, responsable des états généraux et président de la FEUS, invitait pour une dernière fois les étudiantes et les étudiants à venir exprimer leurs attentes et leurs inquiétudes face au système de l'éducation.

Jean Garon a rappelé que les états généraux ont pour but de permettre aux Québécoises et aux Québécois d'exprimer leurs attentes et leurs besoins. Les états relatifs à l'éducation ont, pour leur part, des objectifs plus précis, soit la revue d'ensemble du système d'éducation ainsi qu'une réflexion collective sur son avenir.

Le ministre a souligné l'importance de ne pas morceler le système éducatif, comme cela a été fait au cours des dernières années, car cette approche ne saurait répondre aux besoins de l'éducation et de la société. C'est un ensemble qu'il faut voir dans sa totalité : <<Il faut définir des objectifs pour l'école et établir des consensus sociaux les plus vastes possible, soutient le ministre de l'Éducation. La population a compris que le système d'éducation est au coeur de notre système, de notre société.>>L'avenir des jeunes du Québec est le but ultime de cette action.

Une génération de généralistes

Il y a quelques années, près de 3100 programmes éducatifs existaient. Ce nombre est grimpé à environ 5000 aujourd'hui. Le ministre veut en réduire le nombre pour diminuer les coûts, mais aussi pour <<assurer aux étudiantes et aux étudiants une formation générale cohérente et continue>>. Cet aspect a suscité l'inquiétude chez une étudiante, qui a demandé : <<Va-t-on former des généralistes ou des spécialistes à l'avenir?>> Invité à répondre à cette question qu'il a jugé fondamentale, le ministre a toutefois erré dans sa réponse.

Jean Garon souhaite améliorer la qualité de l'enseignement par une politique institutionnelle claire et une meilleure évaluation des étudiantes et des étudiants. Par exemple, en développant un sentiment d'appartenance dans les universités par des activités sociales, culturelles et sportives, et par un meilleur encadrement des universitaires de premier cycle, le ministre espère favoriser l'obtention des diplômes dans les délais prescrits.

Le rôle de l'école est de développer le goût d'apprendre, de connaître, de chercher et de favoriser un apprentissage continu. L'université est là pour former une pensée critique et développer l'art d'apprendre pour l'avenir. Ce sont des conditions sine qua non pour réussir dans cette nouvelle réalité qui s'impose : la relation université-entreprise. <<La formation universitaire joue un rôle de premier plan en considérant que la recherche appliquée s'est accrue de façon importante>>, a conclu Jean Garon.

Un défi de taille

Le premier défi pour Roch Denis, de la FQPPU, est <<de replacer la formation des étudiantes et étudiants au centre des activités universitaires, car il n'y a pas d'université sans enseignement>>. Contrairement au ministre Garon, il prétend qu'on demande à l'université de répondre à toutes sortes de besoins n'ayant pas toujours un lien direct avec ceux des étudiantes et des étudiants. Le ratio professeurs-étudiants, la qualité de l'encadrement universitaire, la revalorisation de l'enseignement, la précarité de l'état du corps professoral (charges de cours) et l'autonomie institutionnelle représentent autant de questions théoriques, pour Roch Denis, que des réalités auxquelles il faut accorder beaucoup d'importance.

Pour améliorer la qualité de l'enseignement, la société doit reconnaître que l'université a des besoins spécifiques. Elle se doit de préserver son autonomie institutionnelle et sa liberté académique pour y arriver. <<Cette liberté académique, soutient Roch Denis, est mise en cause au fur et à mesure que la recherche universitaire dispose de moins en moins de moyens pour s'autoeffectuer et dépend de plus en plus des sources externes pour son propre financement.>>

Le président de la FQPPU poursuit : <<L'université a ceci de spécifique : l'enseignement qui s'y donne n'est pas que transmission des connaissances et il n'est pas qu'acquisition des connaissances. Il est développement des connaissances. L'enseignement à l'université doit être constamment branché sur la recherche, c'est fondamental. On ne saurait concevoir l'université selon ce qui est proposé par divers intervenants à l'heure actuelle. Dès le premier cycle, l'universitaire doit être nourri par un milieu où la recherche occupe une position déterminante.>>

Un des enjeux actuels pour Roch Denis touche la gestion administrative des universités. Il considère que l'administration se doit d'être au service de la qualité de l'accomplissement des études faites par les étudiantes, les étudiants ainsi que les professeures et les professeurs qui enseignent et qui font de la recherche. Les universités ont emprunté un mode de gestion entrepreneurial qui convient mieux à des entreprises autres que les universités, car c'est un mode qui pousse à la centralisation démocratique et au contrôle, ce qui est contraire aux principes universitaires d'autonomie et de liberté intellectuelle.

Éducation et mise à jour

La qualité de la formation est très importante et ne peut être assurée que par un processus continu d'évaluation et de mise à jour. Jacques L'Écuyer, de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, a décrit les méthodes d'évaluation employées par les collèges, qui sont sensiblement les mêmes que celles utilisées dans les universités et à travers le monde.

Ces méthodes d'évaluation sont de deux ordres. D'abord, l'évaluation des programmes qui visent l'amélioration de la qualité de l'enseignement et ensuite, l'évaluation des institutions pour démontrer le sens de l'honnêteté, de la transparence et de la cohérence de l'institution. Il a souligné que <<pour améliorer, il faut que les gens s'engagent>>. Il invite donc les étudiantes et les étudiants à participer aux comités d'évaluation, par exemple lors des évaluations du corps professoral.

Comme le soulignait le ministre Garon, l'avenir d'un peuple passe par la santé de ses écoles. La santé... pour répondre aux besoins de la société.

Élise Bolduc

Vignette

<<Le temps est venu de convier les Québécoises et Québécois à une grande réflexion collective, à un débat général sur les objectifs que doit poursuivre notre système d'éducation dans l'avenir>>, a souligné Jean Garon, ministre de l'Éducation