Ne ratons pas les ratons!

Avec son masque à la Zorro, le raton laveur se classe parmi les plus mignons et les plus attachants des animaux sauvages. Du moins, jusqu'à ce que vous vous mesuriez à son adresse à ouvrir votre glacière et à se mitonner une omelette jambon fromage qu'il abandonnera, toute dégoulinante, pour courir à un autre festin chez votre voisin de camping.

Intelligent, rusé, affectueux, charmeur, amateur de friandises et de bonne chère, le raton laveur est un redoutable cambrioleur. Grand dévastateur de tentes et de garde-manger, il est le cauchemar incarné de tout campeur qui souhaite protéger le <<pain>> de sa petite famille. Le raton laveur est également un prédateur redoutable pour les nids de tortues serpentines et un vecteur majeur de certaines maladies susceptibles d'affecter les humains. C'est ici qu'intervient le Groupe de recherche en écologie, nutrition et énergétique du Département de biologie de la Faculté des sciences.

<<La direction du parc du mont Orford nous a demandé notre expertise pour améliorer la gestion des populations de ratons laveurs du parc>>, explique Don Thomas, professeur au Département de biologie. Avec son collègue Jean-Marie Bergeron, il a proposé une démarche qui s'échelonne sur deux ans et permet à un étudiant à la maîtrise de poursuivre ses recherches sur le raton laveur.

<<Nous savons déjà que le raton laveur est une des espèces de mammifères les plus largement répandues dans le sud du Québec, poursuit Don Thomas. Dans les forêts de feuillus et de conifères, les populations peuvent atteindre des densités de deux à quatre individus par kilomètre carré. C'est dans les milieux les plus fréquentés par l'être humain que les populations de raton laveur atteignent leurs plus fortes densités. Autour des deux terrains de camping du lac Stukeley et du lac Fraser par exemple, se retrouvent plus d'une centaine d'individus.>>

Protection contre les maladies

Comme beaucoup de mammifères, ils peuvent transporter des maladies transmissibles à l'humain, tels que certains parasites et virus. Une forte densité de population favorise la propagation de ces maladies à l'endroit le moins souhaitable : les campings. <<Les gestionnaires du parc du mont Orford veulent donc mettre sur pied un programme d'aménagement de la population afin de prévenir tout problème, souligne le chercheur. Un tel programme repose sur trois sortes de connaissances : la taille exacte de la population de ratons laveurs, sa stabilité ainsi que sa reproduction.>>

<<Nous pourrions bien entendu envisager l'abattage ou la relocalisation d'individus afin de réduire la densité sous le seuil épidémiologique, affirme Don Thomas. Cette approche peut s'avérer efficace si la population est sédentaire et si l'immigration est faible. Cependant, la présence de ratons laveurs à des densités élevées dans tous les habitats près des campings laisse supposer qu'il pourrait être difficile de contrôler la population locale autour des campings. Il faudrait probablement un piégeage ou un abattage soutenu, ce qui serait difficilement justifiable considérant la mission écologique des parcs québécois.>>

L'approche privilégiée par l'équipe de Sherbrooke et la direction du parc du mont Orford consiste plutôt à examiner la meilleure façon de réduire l'expansion de la population de ratons. En bout de piste, il s'agira de voir si la vaccination d'un nombre stable d'individus constitue une bonne méthode de protection contre la transmission des maladies transportées par ce mammifère. Les chercheurs veulent également réduire la reproduction de l'animal de façon à diminuer les problèmes qu'ils causent aux campeurs.

Déplacement et vaccination

Depuis le début de mai, Francis Lefebvre, étudiant à la maîtrise en biologie, procède au piégeage des ratons. Après avoir acheté 300 $ de sardines chez un épicier de Magog qui n'en est d'ailleurs pas encore revenu, Francis a installé 81 cages. <<Durant quatre semaines, à raison de deux fois par jour, j'ai fait la tournée des pièges, explique-t-il. Tous les ratons capturés ont été marqués individuellement avec des bagues visibles et colorées à l'oreille.>> Certains d'entre eux sont revenus après avoir été capturés pour déguster sans danger une bonne boîte de sardines et dormir une bonne nuit sans se faire déranger... mais enfin.

Durant le mois de juillet, l'équipe a posé des colliers munis d'un radio-émetteur sur 15 ratons afin de permettre à Francis Lefebvre de suivre leurs déplacements quotidiens entre le camping et les différentes aires de repos. Ces colliers-émetteurs permettront également de savoir si les mêmes animaux reviennent année après année pour déguster les repas des campeurs.

<<À l'automne, conclut Don Thomas, nous procéderons à l'implantation des contraceptifs chez les femelles marquées de colliers émetteurs. Le suivi systématique des émetteurs nous permettra de vérifier si la fidélité des femelles à leur domaine vital est influencée par un échec dans leur reproduction.>>

Hélène Goudreau

Vignette

Francis Lefebvre, étudiant à la maîtrise, a reçu une aide financière de 20 000 $ du parc du mont Orford pour mener une étude de deux ans sur les ratons laveurs. Don Thomas, professeur au Département de biologie, est le responsable du projet. Kathleen Michaud et Chantale Beaudoin, étudiantes au baccalauréat, ont participé à la capture des ratons laveurs dans le cadre du cours Travaux pratiques en écologie animale.