Les étudiantes et étudiants de l'Université : des personnes en développement

Qui sont les étudiantes et les étudiants de l'Université de Sherbrooke? Pas facile de répondre à cette question, surtout si on cherche à les définir autrement que par des données démographiques et statistiques. Michel Roy, du Service de psychologie et d'orientation de l'Université (SPO), s'est penché sur la question sous l'angle de la psychologie, bien sûr. Et le portrait qu'il a tracé de la clientèle étudiante de l'Université est assez révélateur.

Lors d'une conférence qu'il a donnée à l'Université, Michel Roy compare les étudiantes et étudiants à une mosaïque, à un prisme multicolore en raison de la diversité de leurs origines sociales, leur situation matrimoniale ou familiale, leur culture, etc. C'est pourquoi, selon lui, en faire le portrait n'a pas été une mince affaire.

Au départ, il admet que le tableau tracé est quelque peu subjectif. Effectivement, pour établir le profil psychologique de la clientèle étudiante, Michel Roy s'est basé sur les données que ses collègues et lui ont recueillies lors de l'exercice de leur travail. Il va sans dire que ceux et celles qui font appel au SPO sont généralement des étudiantes et étudiants aux prises avec des problèmes.

Un marché du travail difficile...

La clientèle étudiante de l'Université évolue dans un climat assez difficile sur le plan économique et le marché du travail est précaire et instable.

<<Mais il n'y a pas que le marché du travail qui s'avère difficile, explique Michel Roy. L'éclatement des valeurs cause aussi des perturbations dans l'univers psychologique des jeunes adultes.>>

Malgré tout, les étudiantes et étudiants de l'Université ont une plus grande capacité d'adaptation qu'on pense. Ils ne sont pas nécessairement pessimistes devant ce tableau, même si cette réalité est beaucoup plus dure qu'il y a 15 ans et peut constituer un sérieux problème chez les personnes plus fragiles sur le plan personnel.

Qui fréquente l'Université?

La clientèle étudiante de l'Université est encore majoritairement jeune. On y retrouve de plus en plus de femmes et de personnes d'origines ethniques différentes. Nombreux sont les adultes qui reviennent aux études après avoir élevé une famille ou pour se sortir du cycle de la pauvreté (chômeurs, assistés sociaux, ex-détenus). Le jeune étudiant est souvent l'enfant des garderies, des familles éclatées ou monoparentales.

Dans son analyse, Michel Roy constate l'agrandissement de l'écart entre les plus riches et les plus démunis. Ces derniers doivent souvent travailler en étudiant à temps plein et même parfois étudier à temps partiel à cause des contraintes financières, familiales ou autres.

L'Université de Sherbrooke recrute une grande partie de sa clientèle en dehors de l'Estrie. Un grand nombre d'étudiantes et d'étudiants habitent donc loin de leur famille et, pour la plupart, à l'extérieur du campus. Plusieurs doivent aussi affronter un système coopératif de plus en plus compétitif et, par conséquent, seront portés à devenir plus individualistes. Ces caractéristiques déterminent un contexte de vie particulier à Sherbrooke.

Une période de changement importante

L'identité est la pierre angulaire du développement du jeune adulte. <<L'étudiante et l'étudiant de 20 ans sont dans une période de changement déterminante pour le reste de leur vie, explique Michel Roy. Lorsqu'on parle de développement, il s'agit en fait de la vie <<normale>>, du développement psychologique sain des étudiantes et des étudiants. En général, on peut dire qu'ils sont en santé, bien vivants, brillants, inventifs, souples et flexibles!>>

En fait, les difficultés qu'ils rencontrent sont souvent des difficultés normales, étant confrontés à des tâches de développement cruciales dans leur évolution. Tout d'abord, ils ont à acquérir le sens de leur compétence, tant au niveau intellectuel que physique (arts et sports), social et interpersonnel (capacité de travailler de façon productive avec les autres). Lorsque l'étudiante ou l'étudiant arrive à l'Université, il est mis à rude épreuve. La charge de travail qu'il reçoit est imposante et il doit être capable de tout faire... et vite, sinon il peut douter de sa compétence intellectuelle.

<<Les étudiantes et les étudiants doivent aussi apprendre à gérer leurs émotions, poursuit le psychologue, prendre conscience de celles-ci, en accepter une plus grande gamme, reconnaître leur utilité, les expérimenter, réfléchir aux conséquences de leur expression, les intégrer et les contrôler.>> Une étude menée en 1990 par le Service de psychologie et d'orientation auprès d'un échantillonnage d'étudiantes et d'étudiants de première année révèle que c'est sur cette dimension qu'ils sont le moins développés.

Ensuite, les étudiantes et étudiants doivent devenir autonomes. Michel Roy précise qu'il s'agit bien ici de l'indépendance qui vient avec la maturité et non d'une indépendance de principe ou apprise de force. Cette maturité requiert une indépendance émotionnelle (être libéré des besoins continuels d'approbation et d'affection), une indépendance instrumentale (être capable de se débrouiller seul dans sa vie quotidienne), de même que la capacité de reconnaître qu'on a besoin des autres.

Les jeunes doivent établir leur identité. Ils le feront, entre autres, en parvenant à établir des relations interpersonnelles plus dégagées, c'est-à-dire en développant des relations moins défensives, plus intimes et profondes. Ceci requiert le développement d'une plus grande tolérance envers les autres. Michel Roy constate que beaucoup d'étudiantes et d'étudiants vivent douloureusement l'établissement de liens intimes, qu'ils soient amoureux ou amicaux.

L'identité se consolidera également dans une orientation de vie claire et significative pour la personne (donner un sens à sa vie) et dans l'établissement de valeurs consistantes en même temps que flexibles qui serviront de guide à leurs comportements (développer son intégrité). En somme, le jeune adulte observe, expérimente et se rend disponible aux perceptions que lui renvoient les autres personnes de façon à développer une perception de soi claire et durable : son identité. <<L'identité bien développée est au centre d'une intégration réussie des différentes tâches développementales auxquelles est confronté le jeune>>, souligne Michel Roy.

Une clientèle particulière

La clientèle de l'Université est en perpétuelle mutation. La clientèle adulte vit des préoccupations bien différentes de celles des jeunes adultes. En effet, lorsqu'ils reviennent aux études, les adultes sont souvent <<rouillés>> et doutent de leurs capacités. Conciliant, dans la plupart des cas, études, travail et vie familiale, ils font face à des contraintes financières différentes de celles des jeunes. De plus, leur intégration dans les classes de jeunes adultes ne se fait pas sans heurt. Les personnes monoparentales vivent des difficultés similaires à celles des adultes de retour aux études. En ce qui concerne la clientèle handicapée, plus nombreuse qu'avant, elle demeure très marginale et exprime elle aussi des besoins très particuliers.

Il y a aussi des périodes cruciales de la vie universitaire qui affectent la clientèle étudiante. L'arrivée à l'Université est la plus évidente. C'est une grande période d'adaptation et ce, autant pour les adultes que pour les jeunes. Les premiers intras, le retour dans la famille pour la période des fêtes, et, pour ceux et celles qui sont dans le système coopératif, le moment d'obtenir un premier stage, et enfin, la dernière année d'études qui mène au marché du travail, tous ces événements représentent aussi des périodes d'adaptation cruciales pour les étudiantes et étudiants de l'Université.

<<Nous sommes très conscients que la tâche principale du professeur est de fournir un enseignement, de transmettre un savoir, conclut Michel Roy dans son étude. Mais nous pensons aussi que le professeur, et avec lui toute l'institution, a comme mandat de former des hommes et des femmes autonomes qui pourront, à partir des compétences acquises, s'épanouir et servir leur communauté. Cette période de développement constitue un moment propice pour intervenir auprès de l'étudiant ou de l'étudiante. Ces derniers sont alors en période de remise en question, d'intégration de nouveaux comportements et de nouvelles valeurs. Ils sont donc perméables à des interventions qui les influenceront de façon durable. Si nous mettons le temps et l'énergie nécessaires à les aider maintenant, les changements seront durables et auront un rayonnement plus important.>>

Rassurons-nous, car malgré tous ces facteurs qui influencent psychologiquement les étudiantes et étudiants de l'Université, ces derniers restent, pour la majorité, des êtres tout à fait <<normaux>>! D'ailleurs, une étude effectuée cet hiver par des étudiants de la Faculté de médecine en stage au Service de santé de l'Université révèle que 79 p. 100 de la clientèle étudiante de l'Université ne présente aucun symptôme de dépression et que parmi les 21 p. 100 restants, la très grande majorité ne présente que des symptômes de dépression légère.

Ceux et celles qui désirent en savoir plus long sur la question peuvent se procurer un exemplaire du dossier sur le profil psychologique des étudiantes et étudiants de l'Université de Sherbrooke en s'adressant au bureau de Michel Roy, au Service de psychologie et d'orientation de l'Université.

Élisabeth Simard

Hélène Goudreau

Les personnes qui apparaissent sur les photos présentées dans ce dossier n'ont aucun lien avec l'étude menée par le Service de psychologie et d'orientation.