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Mémoire - Julie DEHIN

La marginalisation du peintre fictif dans La Comédie humaine de Balzac

Julie DEHIN

Si de nombreux travaux se sont employés à décrire les rapports biographiques de Balzac avec la peinture, à relever les oeuvres et les artistes réels cités dans La Comédie humaine ou à étudier les emprunts à la technique picturale au sein même de l'esthétique romanesque balzacienne, peu de chercheurs se sont précisément penchés sur le personnage du peintre dans l'oeuvre de Balzac. Profitant de cette lacune dans les études balzaciennes, le but de notre mémoire est d'étudier de plus près les modalités, les fondements et les implications d'une hypothétique mise à l'écart sociale du peintre balzacien pour évaluer si elle est finalement évidente et inéluctable, ou si elle n'est pas plutôt nuancée, selon les figurations.

Dans notre premier chapitre, nous nous sommes penchée sur la marginalisation du peintre en appréhendant ce dernier en tant qu'individu hors-norme et décalé vis-à-vis de la société fictive au sein de laquelle il évolue. Nous avons pu observer que sa singularité était traduite tant dans sa corporalité problématisée par une suractivité intellectuelle que dans sa moralité forcément influencée par son activité artistique.

Au second chapitre, nous avons plutôt cherché à appréhender le peintre balzacien, non plus individuellement, mais en tant qu'élément d'un collectif fictif lui-même marginalisé dans l'univers balzacien. Grâce à cet angle de recherche, nous avons remarqué que le collectif fictif des peintres balzaciens semblait bel et bien se constituer et se placer lui-même en marge du monde balzacien, que ce soit symboliquement, dans la nature de ses rapports à d'autres classes sociales fictives, ou géographiquement, vu le nombre restreint des lieux qu'il fréquente.

Enfin, dans le dernier chapitre de notre mémoire, nous avons examiné les compromissions auxquelles se livre le peintre qui, bien que marginalisé individuellement et collectivement, fait quelques tentatives afin de mieux s'intégrer à la société fictive dont il est issu. À ce propos, nous avons compris que les peintres balzaciens pouvaient acquérir un confort économique par la réalisation de tâches artistiques subalternes et bénéficier de certains avantages institutionnels et sociaux, à la condition de ne pas compromettre, pour y parvenir, leur intégrité artistique et leur nature désintéressée au sein d'une vie dissolue et de la prostitution de leur art.

L'ambivalence entre, d'une part, le peintre marginalisé et le collectif mis à l'écart auquel il appartient, et, d'autre part, les compromissions faites par les peintres dans le but d'atteindre une réussite économique et sociale, pourrait sembler une véritable contradiction. Cependant, comme dans l'oeuvre balzacienne le désir d'élévation sociale caractérise tous les personnages, il n'est que naturel qu'une telle ambigüité préside dans le portrait des peintres de La Comédie humaine. De plus, c'est peut-être grâce à la marge où les place Balzac en tant qu'individus et collectif fictif, que les peintres s'en sortent si bien dans leurs compromissions avec le jeu social.