Aller au contenu

La collection « Poetry Chap-Books » de Ryerson

Sous la direction d'Eli MacLaren

De 1925 à 1960, la maison d’édition torontoise Ryerson publia deux cents petits recueils de poésie d’auteurs canadiens-anglais dans une collection, « Poetry Chap-Books », qui était sous la direction de l’éditeur Lorne Pierce. Pour ce dernier, instigateur du projet, il s’agissait d’une initiative parmi d’autres visant à l’édification d’une littérature nationale. Bien que la collection recèle de la poésie de grande valeur, celle-ci a été largement ignorée par les critiques et ne figure pas dans les anthologies qui définissent en quelque sorte la littérature canadienne, à une ou deux exceptions près, tel The Wind Our Enemy d’Anne Marriott (1939). On ne peut donc pas tenir pour acquis que Pierce atteignit le but qu’il s’était fixé de contribuer à bâtir une littérature nationale par ses « Poetry Chap-Books ».

Notre projet de recherche s’intéresse à deux questions. En premier lieu, selon quelles modalités la publication des chapbooks se faisait-elle? D’un point de vue financier, la collection semble marginale en regard des activités principales de Ryerson, soit celles d’éditeur-agent (importation-distribution) et d’éditeur de manuels scolaires. Les chapbooks, bon marché et non destinés à la réédition, semblaient voués à un commerce plutôt éphémère, et la correspondance de Pierce permet de constater qu’il lui arrivait souvent de demander à l’auteur d’assumer le risque financier de la publication. Paradoxalement, c’est ce même côté très peu cher des ouvrages qui semble expliquer l’impressionnante durée de la collection, la plus longue de l’histoire de l’édition au Canada pour une entreprise du genre. En ce sens, il appert que Pierce contribua bel et bien à l’émergence des petites maisons d’édition canadiennes que nous connaissons, qui sont au cœur d’un système régional et décentralisé, mues par des considérations esthétiques et intellectuelles plutôt que financières, et qui, grâce à l’apport indispensable des subventions gouvernementales, en sont venues à constituer le principal vecteur de création de la littérature canadienne.

En second lieu, quelle place la collection « Poetry Chap-Books » de Ryerson, jusqu’ici négligée, devrait-elle occuper dans l’histoire littéraire? La poésie qu’elle renferme est perçue comme n’étant pas assez moderne et peu pertinente pour qui étudie cette période à la lumière de l’influence de T. S. Eliot et d’Ezra Pound. Mais comment ces auteurs se représentaient-ils la poésie? Dans quel contexte écrivaient-ils? Quelle place la poésie tenait-elle dans leur vie et qu’attendaient-ils d’elle?

Notre projet de recherche vise à approfondir et à enrichir les perspectives sur l’évolution de l’édition littéraire au Canada et sur la diversité de son histoire littéraire.