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Gagnant du Concours de vulgarisation scientifique 2018

Tromper les bactéries pour mieux les combattre

Jean-François Nadon, doctorant en en biologie moléculaire au Département de biologie de la Faculté des sciences.
Jean-François Nadon, doctorant en en biologie moléculaire au Département de biologie de la Faculté des sciences.
Photo : Michel Caron

La crise des résistances aux antibiotiques est un sujet très préoccupant. Si rien n’est fait, on pourrait bientôt observer une diminution de l’espérance de vie humaine à l’échelle planétaire. Heureusement, une équipe de chercheurs de l’Université de Sherbrooke s’est penchée sur une nouvelle cible thérapeutique qui pourrait nous aider dans la course contre cette résistance!

La résistance aux antibiotiques, c’est quoi?

Les bactéries, des organismes microscopiques, vivent partout dans notre environnement. Bien qu’elles soient majoritairement inoffensives pour nous, certaines sont la cause d’infections. Depuis la découverte de la pénicilline, en 1928, nous pouvons nous défendre contre ces maladies en utilisant des antibiotiques. Cependant, parce que les bactéries se reproduisent rapidement, elles développent et s’échangent des résistances à ces antibiotiques. Ces derniers deviennent alors inefficaces.

Est-ce que c’est grave?

Lorsqu’on cherche à découvrir un nouvel antibiotique, il faut premièrement bloquer un mécanisme vital aux bactéries, par exemple sa nutrition. Deuxièmement, les antibiotiques doivent être absorbés par le corps, puis se rendre aux bons endroits, ne pas être dégradés trop rapidement par le corps, être bien excrétés (mais pas trop vite), en plus de ne pas être toxiques pour nous. Toutes ces étapes multiplient les possibilités de complications. En fait, le processus de découverte de nouveaux antibiotiques est excessivement long. Tellement long que les bactéries développent des résistances plus rapidement que nous arrivons à découvrir des remèdes. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé, on pourrait assister à une ère où les antibiotiques seraient complètement inefficaces. Si l’on suit ce scénario, des infections mineures aujourd’hui pourraient bientôt devenir fatales.

 Les riborégulateurs : un nouvel espoir.

La pénicilline fonctionne en empêchant les bactéries d’assembler leur paroi cellulaire, qui agit un peu comme leur carapace. Beaucoup d’antibiotiques sont dérivés de la pénicilline, et fonctionnent de la même façon. Une bactérie peut donc facilement devenir résistante à toute une gamme d’antibiotiques. Pour ralentir le développement de résistances, les chercheurs tentent maintenant de cibler de nouveaux mécanismes vitaux des bactéries : les riborégulateurs. Ces mécanismes agissent comme des senseurs de nutriments pour les bactéries. Surtout, ils ouvrent la voie à la création d’une toute nouvelle classe d’antibiotiques.

Comment ça marche?

Photo : Illustration par Benoît Leblanc

Les antibiotiques ciblant les riborégulateurs sont dérivés de nutriments essentiels aux bactéries, sans toutefois servir de nourriture à celles-ci. Parce que les riborégulateurs détectent la concentration des nutriments, il est possible de « tromper » les bactéries. Elles « croiront » alors à tort que leur besoin est comblé et se sentiront rassasiées. On peut comparer cette situation au fait de manger des bonbons juste avant l’heure du souper : on n’a plus faim, mais on n’est pas vraiment nourri! Récemment, l’équipe du professeur Daniel Lafontaine, à l’Université de Sherbrooke, a justement découvert qu’un riborégulateur peut seulement être trompé pendant une fenêtre de temps bien définie. En effet, si un antibiotique est actif au bon moment, il imposera la décision de ne pas manger alors que la bactérie en a besoin, ce qui aura des effets néfastes sur elle. De plus, les résultats obtenus suggèrent que beaucoup de riborégulateurs pourraient fonctionner de cette façon.

À quand ces nouveaux médicaments?

Bonne nouvelle : des antibiotiques ciblant les riborégulateurs sont développés en ce moment même. Encore mieux, des résultats très encourageants suggèrent que les bactéries auront de la difficulté à développer des résistances à ces nouvelles substances. Pour s’assurer qu’ils sont efficaces et sécuritaires, plusieurs années de recherche clinique seront nécessaires. Parallèlement, des équipes de recherche continuent à mieux comprendre comment les bactéries pathogènes vivent pour mieux comprendre comment les combattre. Nous aurons donc de belles découvertes à nous mettre sous la dent.

À propos de Jean-François Nadon

Jean-François est étudiant au doctorat en biologie moléculaire. Il étudie présentement les mécanismes moléculaires permettant aux bactéries de s’adapter à leur environnement. Il est membre de l’équipe de recherche du professeur Daniel Lafontaine, située au département de biologie, à la faculté des sciences. Il espère combiner ses connaissances en chimie et en biologie pour contribuer à la découverte de remèdes et répondre à des questions fondamentales telles l’origine de la vie. Il adore en apprendre plus sur le fonctionnement de l’univers et nos origines, et aime plus que tout échanger et partager des idées sur ces sujets.

À propos du concours

L’Université de Sherbrooke tient annuellement le Concours de vulgarisation scientifique, dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.


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